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Colloque
3-4 juin 2025 (Université de Dschang)
Appel
Date limite de soumission : vendredi 1er novembre 2024
Les économies africaines sont de grandes malades, si l’on en croit la densité des études diagnostiques et prescriptives à leur sujet. L’Afrique est en effet, bien avant les Soleils des indépendances du milieu du XXe siècle, un terrain d’expérimentation des théories et des modèles de développement. Pourtant, la pauvreté, la prédation et la dépendance s’y renforcent (Moyo, 2009). Cette situation alimente un afro pessimisme renouvelé qui prend appui sur le « l’incapacité » du continent à se transformer durablement sous les modèles de développement coloniaux et néocoloniaux mis en œuvre. L’alerte fut pourtant donnée au moment où plusieurs États du continent se constituaient encore en accédant à leur souveraineté internationale. L’Afrique noire est mal partie de René Dumont (1962) devait ainsi alimenter des polémiques sur le développement de cette région, chez ceux qui se contentaient d’en commenter le titre. L’ingénieur agronome indiquait que « l’économie agraire traditionnelle de ce continent s’enlise insidieusement, sous nos yeux généralement inattentifs » (Dumont, 1973 : 7). Il s’inquiétait ainsi des expériences de décolonisation qui ne se fondaient pas sur la prise en main par l’élite dirigeante de l’agriculture et singulièrement des cultures vivrières locales. Pour y parvenir, il évoquait également la nécessité et les perspectives d’un « développement autonome, auto-entretenu ».
Des Africains de plus en plus audibles ont soulevé la question du développement/sous-développement (Samir Amin, 1989 ; Axelle Kabou, 1991). Ils rendent compte, entre autres, de l’extraversion et des externalités qui hantent le continent. La juxtaposition de ces perceptions renforce l’idée d’un développement depuis l’Afrique qui peine toutefois à y prendre corps. L’essentiel de ces réflexions transformatrices met en évidence l’importance de l’agriculture, donc du monde rural, et des perspectives endogènes. Dans cette veine, il faut considérer que « l’urgence africaine est essentiellement celle des voies de reconquête des instruments de la souveraineté agricole » (Kako Nubukpo, 2019 : 65-66). L’agriculture tient en effet une place importante dans les économies au sud du Sahara, du point de vue discursif et programmatique tout au moins. On le voit dans le choix de nombreux pays de promouvoir l’agro-industrie au détriment de la paysannerie, ce qui aboutit à des expériences mal pensées et désastreuses au cours des années 1960-1990. On le voit également dans les appels régulièrement lancés par les gouvernements d’Afrique pour encourager les jeunes à retourner à la terre. La planification post-indépendance avait consacré la place centrale de l’agriculture dans le développement économique en Afrique. Le deuxième plan quinquennal camerounais était par exemple baptisé « plan du paysan ». Les organisations internationales qui se déploient sur le terrain africain (FAO, PNUD, PAM) font également de l’agriculture l’un des piliers de leur action. Le Programme détaillé de développement de l’agriculture en Afrique (PDDAA) conçu dans le cadre de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine vise ainsi à éliminer la faim et réduire la pauvreté en favorisant la croissance économique par un développement axé sur l’agriculture.
Avec les minerais, les produits agricoles constituent la grande part des exportations africaines. De même, et par extension, les activités agricoles occupent une grande partie de la population active. On note ainsi la prédominance de petites exploitations familiales et une persistance des pratiques et techniques agraires traditionnelles. Avec la colonisation et l’intrusion de la modernité, ces facteurs étaient présentés comme des sources de l’inefficacité de l’agriculture africaine. On avait alors assisté à des tentatives de transformation de celle-ci par la remise en cause du système foncier traditionnel notamment, ce qui avait amplifié la pratique des expropriations. La question foncière préoccupe depuis lors tous les gouvernants, d’autant que les réformes dans ce domaine se sont avérées difficiles. Dans le contexte colonial également, l’économie de plantations était significative. Elle a concouru à l’introduction des cultures étrangères et des cultures de rente. Elle prend, sous le regard contemporain, la forme d’une prédation effarante des terres africaines livrées aux convoitises transnationales. Le changement induit dans la production agricole africaine se ressent sur le plan alimentaire, les importations de riz, d’huile végétale et même de protéines animales illustrant l’incapacité du paysan africain à se nourrir de façon convenable. L’idée que cette région du monde produit ce qu’elle ne consomme pas et consomme ce qu’elle ne produit pas (Kodjo, 1985) résume le paradoxe et la prégnance de l’extraversion ainsi que de l’insécurité alimentaire en Afrique.
La vulgarisation des produits locaux ainsi que des circuits courts fait partie des solutions à ce problème. En d’autres termes, d’un point de vue logistique, il faudrait mieux connecter les points de consommation (les villes/le centre) aux points de production (les campagnes/la périphérie). Cela suppose, d’un point de vue doctrinal, de prolonger la réflexion sur l’importance des territoires, du local, de l’endogène. Le développement endogène et auto-entretenu est vulgarisé dès la fin des années 1950 et aboutit à des variantes comme le développement auto-centré au Cameroun. Il est par la suite critiqué à cause de l’étiquette autarcique qu’on lui collait et tombe en désuétude ; la tendance est alors au discours sur la croissance, la modernisation et les comparaisons internationales. Les ravages du libéralisme sur le continent à la fin des années 1980 suscitent un intérêt nouveau pour cette théorie. Joseph Ki-Zerbo (1992) martelait alors que « le développement africain sera endogène ou ne sera pas ». Il faudrait pour cela activer les leviers de la démocratie vécue, de l’intégration africaine, de la recherche et de la formation endogènes. Le développement endogène suppose ainsi « une valorisation des ressources disponibles localement [matières premières et compétences humaines], et une territorialisation de l’activité économique » (Ferguene et Hsaini, 1998 : 2).
D’ailleurs, le développement (ou tout au moins le décollage — take off — au sens rostowien) de l’Afrique doit être envisagé à partir du secteur agricole et du monde rural. Les propos de Jean-Marc Ela (re)prennent tout leur sens dans le contexte actuel : « dans un continent en crise, c’est de cette brousse que l’État n’écoute pas et à laquelle il devrait laisser la parole libre que vient le réveil de l’Afrique à partir des pratiques et des initiatives qui n’ont pas été programmées de manière technocratique » (1990 : 264). L’urgence de penser et d’impulser le développement endogène en Afrique impose justement de réfléchir sur les multiples apports de la ruralité qui est une réalité sociale complexe. Si tout le monde convient aujourd’hui que le rural ne peut plus être confondu avec l’agricole (Blanc, 1997 : 5), il faut reconnaître que la ruralité englobe un ensemble de représentations hétérogènes dans un espace rural en constante mutation (Kouosseu, 2021). Ces différentes représentations, qui constituent assurément un vivier de développement, peuvent être agricoles, forestières et récréotouristiques (Jean, 2003). Objet stimulant des travaux sur l’Afrique au cours des années 1960-1980, le village est depuis lors éclipsé par la ville et ses problèmes. Pourtant, il est le territoire de prédilection de la résilience et de l’innovation humaine. Tandis qu’une forte tendance évoque la marginalisation du secteur rural dans les politiques économiques au profit du biais urbain, le problème semble davantage se poser au niveau des formes d’intégration du secteur rural à la logique du pouvoir central. En tout état de cause, il faut associer, pour l’Afrique, un biais rural qui permet d’apporter un éclairage non pas d’un point de vue évolutionniste, mais structurel sur cet « inachèvement » du processus de modernisation tel qu’envisagé dans la perspective du développement (Charlevy de la Messelière, 2005 : 43).
L’idée générale de cette rencontre scientifique est de montrer que le développement de l’Afrique peut être envisagé à partir des approches endogènes et singulièrement la mobilisation innovante du monde rural.
Ce colloque pluridisciplinaire devra ainsi servir à répondre à ces questions : comment les Africains ont-ils eu l’illusion qu’ils pouvaient se passer du monde rural dans leur processus de développement ? Comment la ruralité peut-elle servir de soubassement du développement en Afrique ?
Les communications peuvent se focaliser sur les axes ci-après, sans qu’ils soient exhaustifs :
Économie de traite, cultures de rente et agriculture vivrière
La crise du développement en Afrique et les stratégies de relance du monde rural
Les adaptations de l’agriculture traditionnelle
Les infrastructures dans les campagnes
L’apport des activités non agraires aux transformations de l’économie rurale
La question foncière en milieu rural
Le patrimoine touristique rural
Les campagnes dans les politiques de développement
Les relations campagnes-villes
La gouvernance du secteur agricole
Recherche et innovation agro-technologiques
Les défis de l’agriculture biologique.
Les chercheurs intéressés pourront adresser des propositions de communication d’une longueur maximale de 300 mots, en français ou en anglais, précédées d’un court résumé biographique (titre, nom et prénoms, spécialité, attache institutionnelle, adresse mail, etc.) à colloqueruralite2025 chez gmail.com au plus tard le 1er novembre 2024
Les communications proposées devront autant que faire se peut s’appuyer sur une documentation dense et sur des sources originales. Les auteurs des propositions sélectionnées en seront informés le 30 novembre 2024. Ils seront alors invités à soumettre une version préliminaire de leur communication (entre 2 500 et 7 500 mots) ainsi qu’une présentation PowerPoint au plus tard le 1er mai 2025.
Le colloque accepte un maximum de deux (2) communications par participant.
Dates importantes
Lancement de l’appel : 15 juin 2024
Réception des propositions : 1er novembre 2024
Notification aux contributeurs : 30 novembre 2024
Réception des communications : 1er mai 2025
Tenue du colloque : 3 – 4 juin 2025
L’inscription au colloque est régie par les modalités suivantes :
Doctorants : 15 000 FCFA
Membres de l’ACAHES : 25 000 FCFA
Chercheurs nationaux non membres de l’ACAHES : 30 000 FCFA
Chercheurs étrangers : 50 000 FCFA.
Ces frais d’inscription incluent : le kit de participant, les pauses café et la participation à toutes les activités connexes.
Page créée le dimanche 4 août 2024, par Webmestre.