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Appel à communication (<15/08/2015) : « Le Maghreb dans les relations internationales / The Maghreb in International Relations : Diplomaties et crises / Diplomacy and crises » (Tunis)

Appel à communication : Le Maghreb dans les relations internationales

Le Maghreb, situé à la croisée du monde arabe, des civilisations méditerranéennes, africaines et européennes, occupe une position privilégiée de trait d’union entre l’Afrique, le Machrek et l’Europe. Cette région, bordée au Nord par la Méditerranée et au Sud par le Sahara, constitue ainsi un vaste réseau d’échanges. Par sa situation géographique et son histoire, les circulations y sont intenses, les transferts culturels incessants, les mémoires et les héritages vifs et imbriqués entre eux. Mais le Maghreb est aussi « un édifice sans cesse menacé »[1]. Comme Pierre Vermeren le souligne : « Il ne s’agit pas d’ériger l’histoire de cette région en totem, mais il est important de la considérer en tant que telle, car elle n’est pas réductible à l’identité arabe du Moyen-Orient »[2].

L’intention de ce colloque est d’inaugurer une réflexion appelée à se prolonger par une recherche collective sur le Maghreb dans l’histoire des relations internationales. Elle s’inscrit également dans un contexte bien particulier, celui d’une volonté d’accès simplifié aux archives tunisiennes contemporaines et d’une démarche de la part des Marocains depuis 2012 de récolter et de trier leurs archives nationales. La publication, en septembre dernier, d’un Livre Blanc des études françaises sur le Moyen-Orient et les mondes musulmans du Groupement d’intérêt scientifique (GIS), reflète l’intérêt du CNRS qui souligne la nécessité de renouveler l’histoire du Maghreb et de « sortir des grilles de lecture et des instruments d’analyse d’une région trop souvent à la marge [3] », ce qui est de même notre ambition ici. Une vue nouvelle de l’historiographie du Maghreb colonial et postcolonial[4] est aussi au programme de ce colloque. Par ailleurs, l’historiographie française des relations internationales s’intéresse quant à elle de plus en plus aux questions transnationales, là où encore persiste un vide.

En interrogeant la Méditerranée en tant qu’objet des sciences sociales, certains travaux ont permis de démontrer l’interconnexion et l’interdépendance des États. Pourtant, les analyses historiques de cet espace sont le plus souvent marquées par les relations avec les anciennes puissances coloniales. En outre, les études publiées sur les relations entre le Maghreb et son environnement géographique se sont beaucoup articulées autour des questions bilatérales puis autour des trois dialectiques récurrentes que sont l’anticolonialisme, l’antiracisme et l’anti-impérialisme. Concernant les dynamiques de la sous-région, peu de travaux sont recensés sur les interactions Maghreb-Machrek, Maghreb-Afrique subsaharienne, Maghreb-Asie, etc.

Par ailleurs, ces études sont le plus souvent statiques. Comme le souligne Robert Frank, il convient de prendre en compte les « dynamiques », c’est-à-dire la « puissance », la « force » mais aussi « le mouvement que celle-ci décrit, un mouvement tout aussi facteur de mutations à travers les frontières que la force qui le génère. Les dynamiques désignent aussi les « circulations » qui traversent les espaces, transforment les sociétés. Beaucoup de ces dynamiques sont à la fois nationales, internationales et transnationales[5].

Ce colloque est donc l’occasion de faire le point sur des objets de recherche encore embryonnaires.

La périodisation proposée s’étend du début du XXe siècle jusqu’au « Printemps arabe » : de la chute de l’Empire Ottoman qui inaugure le temps de la construction de États arabes modernes, aux luttes pour l’indépendance, à la remise en cause de la présence française en Algérie et de la théorisation du nationalisme arabe[6]. Une série de crises récurrentes, internationales, infra ou transnationales ont affecté l’ensemble maghrébin et ont fait émerger de nouvelles dynamiques politiques, économiques, diplomatiques et culturelles entre les États de la région. L’année 2011 marque et transforme le Maghreb et son environnement par la vague des révoltes dans le monde arabe ; elle inaugure une rupture d’un certain équilibre régional, parfois contesté et figé depuis quelques années. Aujourd’hui encore, cette région reste sous les feux des projecteurs, d’abord en raison du chaos libyen, puis de la transition politique tunisienne, sensible, mais aussi en raison de l’avenir incertain de l’Algérie.

On s’intéressera donc ici à la diplomatie face aux crises dans le Maghreb. Les diplomaties sont conçues « comme un ensemble d’acteurs et de méthodes qui tout à la fois sert et façonne l’expression d’une politique étrangère donnée »[7]. Comme le soulignent Laurence Badel et Stanislas Jeannesson dans Diplomaties en renouvellement[8], les diplomaties sont marquées par des changements profonds liés aux « bouleversements d’ordre conjoncturel » dans le système international[9] et à « l’évolution d’ordre structurel qui s’inscrivent dans la longue durée »[10], comme l’extension du champ, la multiplication des acteurs diplomatiques et la généralisation du multilatéralisme. Ainsi le champ des négociations internationales évolue, passant d’un cadre bilatéral à l’avènement des logiques multilatérales. La notion de crise constitue une rupture et agit comme un révélateur des nouvelles réalités. « Elle fait apparaître les failles et les vulnérabilités et menace l’ordre antérieur en confrontant irrémédiablement des intérêts fondamentaux. Génératrice de risques pour la sécurité nationale, régionale ou internationale, elle rend la décision indispensable alors que le cadre de références disparaît et laisse place à l’incertitude et au chaos »[11].

Enfin, un autre objectif de ce colloque est d’examiner la place du Maghreb dans les relations internationales, afin de mieux cerner son insertion dans le système régional et international. Ces journées appellent à s’interroger sur les pratiques diplomatiques et leurs évolutions, les circulations des élites, les nouveaux acteurs privés ou publics (ONG, Organisations internationales, élites économiques, etc.), les rapports de forces et les évolutions des systèmes d’alliances.

Nous proposons ci-dessous une liste non exhaustive des thèmes qui pourraient être abordés :

1) Sortie d’Empire

- Mémoire, histoire et tensions postcoloniales ;
- Violences et régulations coloniales, construction d’État-nation, guerres d’indépendance ;
- Autoritarismes, processus de démocratisation ;
- Alternance politique et réorganisation des institutions.

2) Crises et reconfigurations territoriales dans le Grand Maghreb

- Recompositions territoriales et tensions frontalières : la question du Sahara, les tensions et les crises entre l’Algérie, le Maroc et la Mauritanie et l’Afrique Subsaharienne ; les tensions entre le Maghreb et l’Europe (exemple : Ceuta-Melilla).

3) Organisation régionale, outil de régulation politique, économique et culturelle

- Modification des rapports de forces, évolution du système d’alliances et organisations régionales : Comité de Libération du Maghreb arabe (1948) ; Comité permanent consultatif maghrébin (1964) ; Déclaration de Djerba (1974), Traité d’Oujda (1984), le mouvement des non-alignés, conférence tricontinentale, Organisation de Solidarité avec les Peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine (OSPAAAL), etc.
- Régulation des crises par les organisations internationales et régionales : la Ligue des États arabes, organisation de l’unité africaine (OUA puis UA), OPEP, Organisation de la conférence islamique (OCI), Union du Maghreb arabe (UMA), Conseil de coopération des États arabes du Golfe (CCEAG), ONU et CEE.

4) Coopération économique et culturelle entre le Maghreb et ses environnements

- Études des pratiques de la coopération des organisations régionales maghrébines, africaines, arabes et européennes ;
- Politiques d’aides au développement ;
- Coopération technique, financière, économique, culturelle, énergétique.

5) Reconfiguration des normes et évolution du système régional et international

- Nouvelles pratiques de gestion de crise ;
- Encadrer la violence, lutter contre le terrorisme au Maghreb ;
- Contrôler la migration – Afrique-Maghreb Europe ;
- Préserver l’environnement – coopération régionale ou mondiale

6) Nouveaux acteurs, pratiques diplomatiques et réseaux dans le Maghreb

- Genèse des institutions (MAE) ; sociologie des acteurs de la diplomatie publique ;
- Apparition de nouveaux acteurs publics ou privés : groupes de pression, élites économiques, organisations non-gouvernementales, firmes multinationales, structures intergouvernementales et/ou supranationales ;
- Pratiques et évolutions des diplomates.

Références

[1] Robert Frank, « Préface », dans Houda Ben Hamouda, Mathieu Bouchard (dir.), La construction d’un espace euro-méditerranéen. Genèses, mythes et perspectives, Bruxelles, Peter Lang, coll. « euroclio n°61 », 2012, p. 11.

[2] Pierre Vermeren, Misère de l’historiographie du « Maghreb » postcolonial (1962-2012), Paris, Publications de la Sorbonne, 2012, p. 214.

[3] Sur ce point, lire le Livre Blanc des études françaises sur le Moyen-Orient et les mondes musulmans, GIS Moyen-Orient et Mondes musulmans, CNRS, publié en septembre 2014 : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/2204/files/2014/12/Livre_blanc_GIS_Moyen-Orient-texte.pdf.

[4] Pierre Vermeren, « Misère de l’historiographie du « Maghreb », op. cit., p. 214-215 ; Malika Rahal, « Comment faire l’histoire de l’Algérie indépendante ? », La Vie des idées, 13 mars 2012, http://www.laviedesidees.fr/Comment-faire-l-histoire-de-l.html.

[5] Robert Frank (dir.), Pour l’histoire des relations internationales, Paris, PUF, 2012, p. 187-215.

[6] Daniel Rivet, « L’émergence du nationalisme au Maghreb : de la fin du XIXe siècle à la veille de la Seconde Guerre mondiale », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 1993, nos 32-33, Colonisations en Afrique, p. 18-22.

[7] Guillaume Devin, « Les diplomaties de la politique étrangère », dans Frédéric Charillon (dir.), Politique étrangère. Nouveaux regards, Paris, Presses de Sciences Po, 2002, p. 217.

[8] Laurence Badel, « Introduction », dans Laurence Badel, Stanislas Jeannesson (dir.), Diplomatie en renouvellement, Paris, Les Cahiers Irice, n°3, 2009, p. 5-19, http://www.cairn.info/revue-les-cahiers-irice-2009-1-page-5.htm.

[9] Notre objet d’étude s’inscrit dans un système international mouvant de l’impérialisme et de la bipolarisation du système européen (1880-1941) « au temps de la loi des géants » (1941-1973) et du désordre international de type nouveau avec le tournant de 1973, puis 1989. Cf. Robert Frank, « Les systèmes internationaux au XXe siècle », dans Robert Frank (dir.), Pour l’histoire des relations internationales, Paris, PUF, 2012, p. 187-215.

[10] Stanislas Jeannesson, « Conclusions », dans Laurence Badel, Stanislas Jeannesson (dir.), Diplomatie, op. cit., p. 137-143, http://www.cairn.info/revue-les-cahiers-irice-2009-1-page-137.htm.

[11] Général Loup Francart, Bilan de dix années de gestion de crise, IFRI, 2001, cf. http://www.defense.gouv.fr/layout/set/print/base-de-medias/documents-telechargeables/das/documents-reflexion-strategique-de-defense/epmes-2001/epmes-bilan-de-dix-annees-de-gestion-de-crises, consulté le 26 janvier 2015.
Modalités de soumission

Les chercheurs intéressés doivent envoyer un résumé de leur communication (500 mots maximum) incluant : le titre de la contribution, la mention des sources envisagées ainsi qu’un court curriculum vitae aux membres du comité d’organisation (Sarah Adjel, Houda Ben Hamouda, Clément Perarnaud et Fayçal Chérif) : Diplomaties.crises2015 chez gmail.com
avant le 10 août 2015.

Les langues de travail sont le français, l’anglais et l’arabe. Une publication des actes du colloque est prévue.

Comité scientifique

Présidence

Pierre Vermeren (université Paris 1).

Membres

Tewfick Aclimandos (université du Caire),
Mohand-Amer Amar (CRASC, Oran),
Aomar Baghzouz (université de Tizi-Ouzou),
Kmar Bendana (université La Manouba),
Alain Beltran (CNRS-IRICE),
Michel Catala (université de Nantes),
Georges Corm (université Saint- Joseph à Beyrouth),
Matthew Connelly (université de Colombia),
Sylvie Daviet (université Aix-Marseille),
Karima Dirèche (IRMC),
Robert Frank (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne),
Giuliano Garavini (université de Padoue/NYU Abu Dhabi),
Jérôme Heurtaux (université de Dauphine, IRMC),
Choukri Hmed (université de Dauphine),
Hédi Jallab (Archives nationales de Tunisie),
M’hamed Oualdi (université de Princeton/ Inalco),
Fredj Maatoug (université de Tunis 9 avril),
Elikia M’Bokolo (EHESS),
Alain Messaoudi (université de Nantes),
Khadija Mohsen-Finan (IRIS/université Paris 1 Panthéon-Sorbonne),
Malika Rahal (CNRS-IHTP),
Jenny Raflik (université de Cergy-Pontoise),
Mathieu Rey (Collège de France),
Todd Shepard (université Johns Hopkins),
Fritz Taubert (université de Bourgogne),
Massimiliano Trentin (université de Bologne),
Antonio Varsori (université de Padoue),
Catherine Wihtol de Wenden (Sciences Po Paris/CERI).

Le comité établira un programme définitif sur la base de ces propositions dans le courant du mois d’août 2015.

Contacts
- Houda Ben Hamouda courriel : diplomaties [dot] crises2015 [at] gmail [dot] com
- Sarah Adjel courriel : diplomaties [dot] crises2015 [at] gmail [dot] com

Annonce from http://calenda.org/334978


Page créée le jeudi 16 juillet 2015, par Dominique Taurisson-Mouret.


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