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La revue Histoire et Mesure lance un appel à contributions pour un numéro thématique consacré aux « Pratiques statistiques et cartographiques en Amérique latine du milieu du XVIIIe siècle au milieu du XXe siècle », dont la publication est prévue en juin 2017. L’histoire de la mesure a connu un développement considérable dans les cinquante dernières années et a largement bénéficié des avancées des sciences sociales pendant la même période, au point de se transformer en une socio-histoire de la mesure ou, pour parler en termes desrosiériens, en une socio-histoire de la quantification. Les chercheurs européens et états-uniens ont été particulièrement actifs sur ce plan, contribuant ainsi à éclairer le rôle du chiffre dans ce que nous pourrions appeler le Nord de l’Occident.
L’histoire de la mesure a connu un développement considérable dans les cinquante dernières années et a largement bénéficié des avancées des sciences sociales pendant la même période, au point de se transformer en une socio-histoire de la mesure ou, pour parler en termes desrosiériens, en une socio-histoire de la quantification. Les chercheurs européens et états-uniens ont été particulièrement actifs sur ce plan, contribuant ainsi à éclairer le rôle du chiffre dans ce que nous pourrions appeler le Nord de l’Occident.
Mais l’histoire de la mesure a été pratiquée ailleurs aussi, bien sûr, et avec bonheur. Le développement des formes et appareils étatiques, qui a concerné pratiquement l’ensemble du monde, a « naturellement » suscité ici et là des études portant à la fois sur le territoire contrôlé, à des degrés divers, par l’État (cartographie du pays, topographie, délimitations, identification de régions naturelles ou administratives, etc.) et sur les opérations appliquées par l’État à ce territoire (comptages divers, recensements, enquêtes, nomenclatures, etc.). Ainsi, dans le contexte contemporain, la géographie et la statistique des pays ont été vues non seulement comme des disciplines se construisant, au sein des sociétés savantes puis des universités, comme des moyens de connaître le pays, mais aussi comme des instruments pour agir sur ce pays et, d’une certaine façon, le créer. Le livre de Benedict Anderson, Imagined Communities. Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, illustre bien ce pouvoir de créer associé à la carte et au chiffre.
Les pays d’Amérique, malgré des différences historiques fondamentales, présentent, pour la plupart d’entre eux, de nombreux points communs. Ils ont connu une forme ou une autre de colonialisme, se sont émancipés de la métropole avec un succès plus ou moins rapide. Partout, ou presque, la question de la construction d’une bureaucratie appelée à remplacer l’administration coloniale (ou à la transformer) a été posée. Connaître les limites et découpages du pays, compter les habitants, les disposer sur le territoire, en apprécier les qualités… ont compté parmi les tâches les plus urgentes des diverses autorités (les couronnes d’abord, les révolutionnaires ensuite, les administrateurs enfin). Non sans susciter des réactions diverses des populations ainsi mesurées, allant d’un enthousiasme de certains pour le chiffre « libérateur » à l’opposition d’autres relativement au chiffre « réducteur », « niveleur » ou « trompeur ». Quant au territoire lui-même, on sait que sa mesure ne peut être totalement dissociée d’une conquête qui n’a pas été que scientifique.
Outre les tableaux contenant des statistiques démographiques et économiques (les mapas de população, ou de productions locales), dans certains espaces latino-américains sont apparus, dès le début du XIXe siècle, des « signes avant-coureurs de la cartographie thématique, qui correspondent à des regards nouveaux sur l’espace géographique ». En premier lieu, plutôt que de vouloir faire « l’inventaire du monde », en offrant une description exacte et minutieuse des territoires, certaines « cartes singulières » s’attachent à représenter un phénomène spécifique (la géologie, l’hydrographie, le réseau routier), dans une approche davantage analytique que « cumulative » (G. Palsky). De plus, il s’agit parfois de représenter autre chose que l’espace visible, comme des données statistiques sur la démographie, l’économie, la santé ou l’instruction publique. Enfin, certaines de ces représentations sont le support de projets de réaménagement territorial - notamment de réformes de circonscriptions qui prenaient en compte des données démographiques (quantitatives et parfois qualitatives).
Des graphes, des diagrammes et des cartes statistiques se multiplient dans la période qui suit la création des États nationaux d’Amérique latine, mais aussi lors des commémorations des Indépendances : ces moments furent en effet souvent privilégiés pour la parution de recensements, d’albums graphiques et d’atlas.
Cette histoire de la raison statistique et cartographique en Amérique latine existe. Elle est pratiquée dans les pays d’Amérique, en Europe et dans le monde entier. Une bonne partie des travaux, publiés en espagnol ou en portugais, sont sans doute peu connus du public de langue française ou anglaise. Faire connaître ces travaux et les programmes de recherche qu’ils illustrent est l’un des objectifs de ce numéro thématique. L’autre objectif, est, naturellement, de susciter des collaborations portant sur des aspects moins étudiés. En particulier, si plusieurs travaux ont déjà souligné les liens entre construction des identités nationales et constitution des cartes topographiques et politiques des pays latino-américains (et de leurs différentes « patries locales »), les rapports existant entre d’une part les « nationalismes » (et les « régionalismes »), et d’autre part la cartographie thématique et la statistique (graphique ou non) semblent en revanche moins bien établis.
Comme les États-Unis et, dans une moindre mesure, le Canada ont fait l’objet de publications en anglais et en français, auxquelles il est aisé de se référer, nous avons réduit l’aire géographique étudiée à l’Amérique dite latine, c’est-à-dire à tout ce qui se trouve au sud de la frontière américano-mexicaine.
Seront ainsi considérés, pour une éventuelle publication, les projets d’articles portant sur les pratiques statistiques, cartographiques et topographiques dans les pays d’Amérique latine, de la colonisation au milieu du XXe siècle. Les propositions pourront concerner un pays, une période, mais aussi être de nature plus comparative et diachronique. Elles devront, si possible, considérer l’usage du chiffre, de la mesure (dans ses différents sens) en relation avec l’évolution des sociétés concernées.
Les contributions pourront notamment porter sur les axes thématiques suivants :
Formes de présentation, rôles et usages du chiffre dans les Amériques coloniales : dénombrements, comptages ciblés dans un but fiscal, recensements généraux, menés par les pouvoirs civil ou ecclésiastique ; espaces de référence pris en compte (la paroisse, la ville, d’autres circonscriptions).
Des statistiques pour agir : le rôle des chiffres dans les réformes administratives et territoriales ; l’émergence de la notion de densité de population et leurs représentations.
Dans la période post-indépendance : le rôle des statistiques, de la cartographie statistique et de la statistique graphique dans la construction de l’image de la nation, ainsi que des « patries régionales ».
Les producteurs des chiffres : émergence d’agents et d’institutions spécialisées dans la statistique et la géographie.
Modalités de réponse et calendrier
Les intentions d’articles (de 5 à 7 000 signes environ) sont attendues pour le 15 janvier 2016.
Elles devront indiquer avec précision la thématique, l’aire géographique et la période étudiées, ainsi que les sources mobilisées et les hypothèses soulevées par la proposition. Les textes pourront être rédigés en français ou en anglais.
Ces intentions sont à envoyer par courriel aux coordonnateurs du numéro ainsi qu’à la rédaction de la revue : beaud.jean-pierre chez uqam.ca ; claudia.damasceno chez ehess.fr ; Anne-Sophie.Bruno chez univ-paris1.fr
Sur la base des propositions sélectionnées par les coordonnateurs du numéro et les membres du comité de lecture de la revue, les articles complets devront être envoyés au plus tard le 15 septembre 2016. Ils seront soumis à une expertise dont les conclusions seront rendues à l’automne 2016, pour une publication des articles retenus en juin 2017.
Comité de lecture
Évelyne Barbin (Université de Nantes),
Jean-Pierre Beaud (Université du Québec à Montréal),
Gérard Béaur (CNRS, EHESS),
Alain Dallo (Université de Paris-I),
Claudia Damasceno (EHESS),
Guillaume Daudin (Université Paris-Dauphine),
Joël Félix (Université de Reading),
Bernard Gauthiez (Université Lyon III),
Jean-Philippe Genet (Université de Paris-I),
Éric Geerkens (Université de Liège),
Alain Guerreau (CNRS),
Jean Heffer (EHESS),
Morgane Labbé (EHESS),
Stéphane Lamassé (Université de Paris-I),
Yannick Marec (Université de Rouen),
Dominique Margairaz (Université de Paris-I),
Christelle Rabier (EHESS),
Angelo Riva (European Business Scool),
Paul-André Rosental (Sciences Po, EHESS),
Alessandro Stanziani (CNRS, EHESS),
André Straus (Université de Paris-I),
Frédéric Vesentini (CNRS/université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines),
André Zysbsberg (Université de Caen)
Conseil scientifique
Jean-Pierre Bardet (Université de Paris-IV),
Heinrich Best (Université d’Iéna),
Léonid Borotkin (Université de Moscou),
Philippe Cibois (Université de Versailles-Saint-Quentin),
Jean-Pierre Dedieu (CNRS),
Peter Denley (Westfield Collège, Londres),
Georges Depeyrot (CNRS),
François Djindjian (Université de Paris-I),
Sir Roderick Floud (Université de Londres),
Jean-Claude Gardin (CNRS),
Jacques Guilhaumou (CNRS)
Jean-Claude Hocquet (CNRS),
Georges Lambert (Université de Franche-Comté),
Alain Lancelot (FNSP, Paris), Hervé Le Bras (EHESS/INED),
Yannick Lemarchand (Université de Nantes),
Bo Ohngren (Université d’Uppsala),
Jean-Claude Perrot (Université de Paris-I),
Antoine Prost (Université de Paris-I), Bruno Théret (CNRS)
Page créée le lundi 14 décembre 2015, par Dominique Taurisson-Mouret.