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Appel
Date limite de soumission : lundi 2 décembre 2024
Le groupe d’étude et de recherche sur la colonisation et les formes de domination en Afrique (GERCO) lance un appel à contribution pour la rédaction d’un ouvrage collectif sur le thème « Cameroun : une histoire coloniale ». C’est un projet qui vise à questionner, au-delà du statut juridique figé du territoire, la colonisation comme un phénomène historique. Au-delà des diverses approches et propositions, a-t-on véritablement interrogé les permanences et les influences du phénomène colonial ? Les héritiers de l’administration coloniale eurent-ils la volonté et les moyens d’organiser le procès de la colonisation ? Ne paraît-il pas nécessaire de s’interroger sur les goulots d’étranglement que constituent, à l’expérience, les pouvoirs politiques ?
Au début du XIXe siècle, alors que l’abolition de l’esclavage est à la mode dans les puissances européennes, une autre forme inédite de domination émerge progressivement. Ce qui n’est pas encore, « la colonisation », a comme terrain de prédilection, le continent africain. Sous le couvert de la mission de civilisation des peuples non européens, le projet hégémonique se construit en empruntant le discours de l’humanitaire[1]. Ce temps de l’histoire européenne, que de nombreux travaux présentent comme la phase de l’affirmation de la civilisation européenne[2], est la résultante de la métamorphose de la société européenne qui entre dans « la modernité ». Elle se manifeste à partir du moment où elle a pu, comme l’affirme Enrique Dussel, se confronter à un « Autre » qu’elle-même, c’est-à-dire, contrôler, vaincre et violenter. Quand elle a pu se définir comme un « ego » découvreur, conquérant, colonisateur, de l’altérité constitutive de la propre modernité »[3]. Pour les puissances occidentales, colonisatrices, la colonisation est un projet de l’humain qui vise à soulager des abus de l’esclavage. Car, dans la logique coloniale, il faut opérer sur les Africains un processus de dressage dont la finalité est de l’ouvrir à la civilisation. La traite négrière, vaste entreprise de transformation de l’homme en instrument, dans toutes ses variantes, balise la voie pour une forme spécifique de colonisation en Afrique. Elle installe dans la certitude des Européens que le corps de l’Africain n’a pas d’âme, qu’il est un outil nécessaire à l’économie européenne et à la colonisation. Pris sous la figure de l’animal, l’Africain subit un processus de domestication dans le but de le discipliner[4]. Ce processus aboutit à la mise en place d’une société inauthentique, qui revendique autant les traits grossiers de la société d’origine, que les travers de la société d’accueil, et que Georges Balandier nomme à partir de 1951 « la situation coloniale ».
La colonisation apparaît comme un processus de déstructuration et de total mise en dépendance des Africains. Pour Marie-Claire Smouts, dans la suite d’Aimé Césaire, la situation coloniale est un système complexe de relations de pouvoir où la société coloniale et la société colonisée sont imbriquées, où toutes les composantes du social interagissent « dans un continuel réajustement de leurs relations[5] ». Or, ce qui nourrit cette relation, c’est à la fois la violence physique et surtout symbolique, qui dans la logique bourdieusienne, nécessite et requiert la participation des dominés à leur propre domination. Ainsi, la colonisation, cette évolution historique spécifique, qui marque un moment déterminant dans les trajectoires des sociétés africaines, notamment la société camerounaise, est « une histoire de la brutalité ou plus précisément de brutalisation[6] ».
Au Cameroun, le statut juridique du territoire, c’est-à-dire le protectorat allemand (1884-1916), le condominium franco-britannique (1916-1922), le mandat (1922-1946) et la tutelle française et britannique (1946-1960), complexifie la définition et la compréhension du phénomène colonial dans cet espace stratégique de l’Afrique centrale. Si cette réalité plurielle alimente le débat historique depuis des années[7], il reste à déterminer l’historicité de la situation coloniale au Cameroun. Car, à travers les méandres entretenus par la mémoire collective, l’histoire buissonnière des nationalismes, la célébration de l’irrationnel pragmatisme, et les pratiques des acteurs, les nombreuses strates de l’histoire de cette rencontre furent enfouies dans des considérations politiques. Comment écrire l’histoire de la colonisation ou des colonisations au Cameroun ? En faisant l’expérience de la postcolonie, « celle de la trajectoire historique des sociétés récemment sorties de l’expérience que fut la colonisation », la seconde colonisation, notamment celle de l’esprit, met en relief la spécificité camerounaise. Richard Joseph, en relevant, dans une introspection aux fondements du mouvement nationaliste camerounais, que les élites politiques qui accèdent au pouvoir après l’indépendance au Cameroun sont celles qui ne défendirent pas son principe[8], ouvre un vaste champ de questionnement. Il nous invite à reconstituer le processus qui mène à la proclamation de l’indépendance, et surtout à éclairer cette transition de la colonisation à la décolonisation. Il s’agit aussi d’interroger les héritages, dans l’optique d’appréhender l’historicité de la situation coloniale dans un temps long, de faire lire les testaments par les processus d’enchevêtrement propre au temps colonial.
Cameroun : une histoire coloniale induit une problématique plurielle. C’est un projet qui vise à questionner, au-delà du statut juridique figé du territoire, la colonisation comme un phénomène historique. Le temps de la mise sur pied, qui laisse des traces, révèle des acteurs. Le temps de la transition, censé conduire vers des États-nations, dure et épuise les ambitions autant qu’il alimente les nostalgies. Dans ses effluves, la colonisation perdure au Cameroun[9]. Au-delà des diverses approches et propositions, a-t-on véritablement interrogé les permanences et les influences du phénomène colonial ? Les héritiers de l’administration coloniale eurent-ils la volonté et les moyens d’organiser le procès de la colonisation ? Ne paraît-il pas nécessaire de s’interroger sur les goulots d’étranglement que constituent, à l’expérience, les pouvoirs politiques ? Le pouvoir colonial, dénoncé à coups de slogans et de symboles, est-il rangé dans le débarras de l’histoire et loin des habitus des Camerounais ? Sous les traits sans fards du « commandement colonial » évoqué par Achille Mbembé, il réglemente le quotidien des Camerounais. La notion de postcolonie[10], vulgarisée par ce dernier, ne pose pas une frontière entre deux situations, ou deux périodes. Elle souligne cette rupture illusoire et la faiblesse des discontinuités qui divulguent « la falsification » et les logiques de « l’inachèvement » et de « l’enchevêtrement »[11].
Cet ouvrage collectif souhaite aborder plusieurs thématiques selon les axes suivants :
Les temps de la colonisation : de la domination à la décolonisation
Les hommes et les femmes de la colonisation
Les stratégies d’adaptation à la situation coloniale
Le conservatisme dans la situation coloniale
L’idée de progrès dans la vie politique coloniale
Les instruments de diffusion des idéologies politiques
Du processus de décolonisation à la Postcolonie : les héritages
Les comportements politiques dans l’État en construction
La colonisation et les cultures politiques au Cameroun
L’équipe de coordination de l’ouvrage est actuellement en discussion avec un éditeur local et recherche un éditeur étranger.
L’évaluation se fera sur la base de l’article complet, en français ou en anglais, il contiendra une page précisant les noms et prénoms, les titres, les fonctions et l’institution de rattachement de l’auteur.
Les contributions seront adressées à gercohistoirepolitique chez gmail.com
Calendrier
Réception des manuscrits : 2 décembre 2024
Réponse après évaluation par le comité scientifique : 2 février 2025 :
Publication : mai 2025.
Page créée le samedi 10 août 2024, par Webmestre.