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Colloque
Mardi 8 octobre 2024 (BnF, site Richelieu, Paris)
Appel
Date limite de soumission : mercredi 15 mai 2024
Journée organisée par Oury Goldman, docteur de l’EHESS et chercheur associé à TEMOS, Lucile Haguet, docteure et conservatrice de la bibliothèque municipale du Havre, Catherine Hofmann, conservatrice au département des Cartes et plans de la BnF et Geoffrey Phelippot, docteur de l’EHESS et membre du CAK, avec le soutien du Centre Alexandre-Koyré (CAK) et de la Bibliothèque nationale de France (BnF)
Selon le cartographe anversois Abraham Ortelius (1527-1598), la géographie est « l’œil de l’histoire », reprenant une expression déjà courante et en passe de devenir un véritable topos décliné en diverses formulations dans les siècles suivants. Cette expression illustre le lien étroit qui unit histoire et géographie, tout en posant une relation d’inféodation de la seconde par la première. Dans cette perspective, la géographie est perçue comme une discipline auxiliaire à l’histoire et un instrument utile à sa compréhension. La géographie permet ainsi de rendre visibles et lisibles les lieux dans lesquels s’est déployé le récit historique sous toutes ses formes. Il n’est pas surprenant que l’érudit français Pierre Le Lorrain de Vallemont (1649-1721), auteur des Éléments de l’histoire en cinq tomes, affirme à la fin du XVIIe siècle que « l’Histoire est aveugle » sans le secours de la géographie, puisqu’elle est sa « mémoire locale ». Selon lui, il y aurait une différence notable entre un individu qui lit simplement l’histoire d’Alexandre et celui qui l’étudie à l’aide d’une carte géographique sous les yeux. Le premier n’aurait qu’une connaissance imparfaite sur le conquérant macédonien, tandis que le second serait le « témoin » direct de son expédition. Ici, Vallemont introduit la carte géographique comme un outil visuel indispensable pour comprendre l’histoire antique. La relation entre histoire et géographie, souvent étudiée de manière théorique, en se fondant sur les traités, les manuels d’histoire et de géographie, s’articule de manière spécifique si l’on pose l’objet cartographique comme point d’observation. La carte, dispositif graphique de visualisation de réalités spatiales, se prête largement à l’observation de phénomènes historiques. Par histoire, il faut ici l’entendre dans une acception élargie comme l’inscription de temporalités plurielles comprenant l’histoire sainte ou profane, l’histoire ancienne, médiévale ou moderne, jusqu’à l’histoire naturelle, civile ou militaire. L’objectif de cette journée d’étude est de réinvestir le couple carte et histoire dans l’empan chronologique du XVIe au XVIIIe siècle.
Axes
Il s’agit d’interroger cette relation à travers l’étude des cartes elles-mêmes, comme objet d’un savoir historique et selon trois axes de recherche.
Le premier axe porte sur les cartes dans l’enseignement et la lecture de l’histoire. L’expression d’« œil de l’histoire » suggère que la géographie – et en son sein la cartographie – est un complément aidant à l’apprentissage, à l’écriture et à la lecture de l’histoire. La carte apparaît comme un instrument essentiel pour connaître et reconnaître les phénomènes du passé. Dans le sillage des travaux de François de Dainville sur les collèges jésuites ou de ceux de Pascale Mormiche sur l’éducation des princes, cet axe vise à renouveler notre compréhension sur les relations entre géographie et histoire à partir de l’examen des discours et des pratiques attachées à l’usage des cartes dans l’enseignement de l’histoire du XVIe au XVIIIe siècle. Il pourra s’agir à la fois d’examiner les traités historiques et géographiques qui théorisent et tentent de normer cette relation, que les atlas qualifiés d’« historiques » revendiquant l’interconnexion entre les deux domaines savants, ou encore d’analyser les programmes d’enseignement de diverses structures éducatives. À partir de ces documents, il conviendra de se pencher sur les discours portés par les cartes, les atlas ou les ouvrages historiques afin d’y débusquer des traces matérielles qui renseignent sur les usages concrets des cartes dans les pratiques de lecture ou d’apprentissage de l’histoire : annotations manuscrites, cahiers d’écoliers, brouillons, etc.
Le deuxième axe s’attache plus spécifiquement à documenter l’histoire sur et par les cartes. L’expression d’« œil de l’histoire », dans un sens premier, invite à penser la carte comme un lieu d’ordonnancement de savoirs historiques et de représentation de phénomènes du passé, notamment à travers la stratification de différents registres graphiques : tracé cartographique, toponymes, cartouches, vignettes historiées, textes ou données numériques (dates par exemple). Par sa capacité synoptique, la carte favorise la spatialisation d’une situation historique, qu’il s’agisse du tracé évolutif des frontières, de la forme changeante des villes, ou de la représentation de zones du globe récemment explorées. Les cartes servent autant à représenter l’histoire immédiate – à l’instar de celles qui sont produites pour suivre les événements militaires et diplomatiques dans le sillage de la naissance de l’imprimé d’actualité – que des situations plus éloignées dans le temps, en lien avec l’émergence progressive de la cartographie historique liée à l’histoire sainte, antique et médiévale. Cet axe invite à examiner les dispositifs visuels et textuels des cartes mobilisant l’histoire sous différentes formes (civile, militaire, naturelle) tout en réfléchissant aux enjeux politiques et épistémologiques déployés dans les cartes. On réfléchira aussi à leur place dans les ouvrages d’histoire, à leur articulation avec le matériau textuel et aux effets de leur mise en relation.
Enfin, un troisième axe invite à penser la porosité, voire l’indistinction, qui existe entre les producteurs de matériaux historiques et cartographiques. Les liens entre les deux domaines savants sont en effet manifestes si on s’intéresse à leurs acteurs. Les rédacteurs d’ouvrages historiques peuvent ainsi être impliqués dans la conceptualisation graphique de cartes accompagnant leurs écrits, tandis que l’ingéniosité de certains géographes favorise la mise en images de l’histoire sur les cartes. En outre, certains imprimeurs-libraires produisent et vendent à la fois des documents historiques et cartographiques, sans parler des graveurs parfois sollicités pour les deux types d’entreprises. Enfin, dans une période où la professionnalisation et l’institutionnalisation de l’histoire et de la géographie sont encore en construction, des individus porteurs des titres d’« historiographe », de « géographe » ou de « cosmographe » peuvent s’investir autant dans la production de savoirs cartographiques qu’historiques. On cherchera par exemple à comprendre comment les cartographes effectuent un véritable travail d’historiographe, par la recherche de sources et leur confrontation critique, quand à l’inverse les historiens manipulent et discutent le matériau cartographique. En dépit de l’expression d’« œil de l’histoire », ce dernier axe vise à repenser le lien de subordination entre carte et histoire, relation qui n’est plus aussi claire et évidente si on la pose du point de vue des producteurs et de leurs pratiques.
Ces trois axes, qui peuvent être abordés simultanément, permettent de réfléchir à la relation entre l’objet cartographique et l’histoire entre les XVIe et XVIIIe siècles. Dans le cadre de cette journée d’étude, il conviendra de croiser les approches et d’associer les recherches en sciences humaines et sociales à d’autres historiographies. Le cadre géographique de cette journée d’étude s’articule principalement autour de l’Europe et ses extensions impériales, sans pourtant s’y restreindre. En effet, des communications sur d’autres espaces pourront être proposées afin d’élargir la perspective et la réflexion de la journée d’étude sur les liens entre carte et histoire.
Modalités de soumission
Les propositions en français ou en anglais, d’une longueur maximale de 300 mots, et accompagnées d’un bref curriculum vitæ, devront être envoyées à oeildelhistoire2024 chez gmail.com avant le 15 mai 2024.
Les organisateurs prendront en charge les repas, les frais de déplacement, et dans la mesure du possible d’hébergement pour une nuit. La journée d’étude se déroulera exclusivement sur site.
Page créée le mercredi 25 septembre 2024, par Webmestre.