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Appel
Date limite de soumission : mardi 30 septembre 2025
Journée d’études annuelle du Groupe d’Histoire des Forêts Françaises, en partenariat avec l’Office National des Forêts.
En janvier 2000, le GHFF organisait à l’École Normale Supérieure de Paris une journée d’étude intitulée « Forêts et Troupeaux ». Principalement axée sur les périodes médiévale et moderne, cette journée d’étude explorait l’histoire du pâturage en forêt et la manière dont cette activité s’articulait avec les pratiques agricoles. Elle abordait également l’impact écologique, les questions de symbolique et les enjeux de prévention face aux risques naturels comme les incendies. Vingt ans plus tard, le GHFF propose de rouvrir le dossier, plus que jamais d’actualité. Depuis le début du XXIe siècle, la pratique du pâturage en forêts a en effet connu une résurgence en France et en Europe. S’inscrivant dans une tendance plus large de gestion durable des espaces forestiers, dans un contexte de déprise agricole et de nécessité de préserver certains habitats menacés, le retour de la forêt pâturée a été motivé par des objectifs de conservation et de maintien des paysages traditionnels.
Historiquement, la pratique du pâturage forestier a souvent été source de tensions, notamment en raison de ses impacts sur l’environnement et de la concurrence avec d’autres formes d’utilisation des forêts. Aujourd’hui, le sylvopastoralisme et l’agroforesterie tentent de concilier les objectifs forestiers et pastoraux afin d’assurer une production simultanée de viande, de lait, de laine et de bois, tout en respectant les territoires et les milieux. Des terres anciennement cultivées de manière intensive, puis laissées à l’abandon, deviennent ainsi des pâturages boisés, une alternative présentée comme favorable sur les plans économique et écologique. Dans certaines conditions, le pâturage d’animaux d’élevage (bovins, ovins, caprins, équidés, porcins ou même certains cervidés) peut contribuer à la fertilisation des sols et à un meilleur contrôle de la croissance de la végétation, ce qui permet de prévenir les incendies de forêt et de favoriser la biodiversité. Les conflits d’usage liés au pâturage en forêt sont toutefois loin d’avoir disparu. Partout où cette pratique est encore présente, notamment dans les pays les moins avancés, elle soulève la question des équilibres entre les différents modes d’utilisation de la forêt.
La forêt pâturée soulève donc plusieurs enjeux importants aujourd’hui, tant sur les plans écologique, économique et social. Cette journée d’étude du GHFF propose d’examiner ces enjeux dans une démarche qui fait le lien entre passé et présent, en se concentrant sur la question des héritages et du renouveau contemporain de cette pratique. En examinant la façon dont la forêt pâturée s’est développée, transformée ou conservée au fil du temps, et en identifiant les éléments qui perdurent et ceux qui changent dans les paysages et les pratiques contemporaines, cette journée d’étude vise à enrichir notre compréhension du phénomène. Tout type de contribution (cas d’étude, étude comparative, synthèse, méta-analyse) ancré dans diverses disciplines pourra être pris en compte. Les propositions pourront porter sur toute zone géographique, qu’il s’agisse de la France, de l’Europe ou d’autres régions du monde. Plusieurs angles d’approche sont envisagés de manière non exhaustive :
1. L’étude des traces du pâturage historique
Aujourd’hui, l’héritage du pâturage forestier se manifeste par divers types de traces. L’étude des sources écrites, en constant renouvellement, reste incontournable. Les règlements locaux ou les actes notariés permettent de comprendre comment le pâturage était organisé, quelles zones étaient autorisées ou interdites et quelles règles régissaient cette activité. Les chroniques, lettres et rapports rédigés par divers témoins décrivent la manière dont le pâturage était mené, les animaux élevés et la façon dont il s’intégrait à la gestion forestière. Enfin, les registres fiscaux ou comptables permettent d’évaluer l’importance économique du pâturage en forêt, en indiquant par exemple les taxes perçues ou les droits d’usage. L’activité pastorale passée peut également se refléter dans des traces visibles dans les paysages forestiers contemporains. Des zones peu boisées, autrefois pâturées, contrastent ainsi avec la densité forestière environnante. Des pistes ou des chemins dont le sol a été compacté par le passage des troupeaux peuvent subsister, tout comme des restes de clôtures, d’abreuvoirs ou d’abris. La végétation peut également porter les traces de la présence passée du bétail, qu’il s’agisse d’arbustes taillés naturellement par les animaux, de plantes spécifiques aux milieux ouverts ou d’espèces envahissantes favorisées par le pâturage. Ces dernières années, l’étude des traces historiques du pâturage en forêt a également été renouvelée grâce aux données paléoenvironnementales, qui attestent de la présence d’activités pastorales durant les siècles et les millénaires passés. Les grains de pollen et les macrorestes conservés dans les sédiments témoignent d’une végétation modifiée par le pâturage. La mesure de certains éléments chimiques (azote, phosphore) indique une fertilisation des sols par le bétail. La mesure de certains éléments chimiques (azote, phosphore) indique une fertilisation des sols par le bétail. L’analyse des charbons de bois témoigne d’épisodes de brûlage contrôlé ou accidentel liés à l’utilisation pastorale. Enfin, l’étude de l’ADN environnemental permet d’identifier les espèces qui ont été présentes dans la zone. Les communications s’inscrivant dans cet axe pourront s’interroger sur la manière dont l’étude de ces traces s’inscrit dans les démarches des historiens, des archéologues, des géographes, des écologues, des botanistes, des biologistes, etc. Il sera également possible de s’intéresser à leur utilisation par d’autres types de professionnels (exploitants et gestionnaires forestiers, éleveurs, éducateurs, décideurs publics, etc.) dont les activités sont liées à des enjeux de conservation, de mise en valeur ou de patrimonialisation de la forêt.
2. Histoires de déclin et de renouveaux.
Cet axe invite à s’interroger sur la place du pâturage forestier dans la longue durée, en tenant compte des enjeux de temporalité, qui ont pu fortement varier d’une région à une autre. En Europe, durant les périodes médiévale et moderne, la pratique est essentielle pour l’économie rurale. Elle est encadrée par des droits coutumiers ou seigneuriaux qui garantissent aux habitants l’accès aux ressources forestières. Avec l’essor de l’État moderne à partir des XVIIe et XVIIIe siècles, la gestion des forêts devient plus réglementée. La croissance démographique et économique entraîne des tensions entre les différentes formes d’utilisation de la forêt (pâturage, bois de chauffage, exploitation commerciale). Au XIXe siècle, le pâturage en forêt est désormais perçu comme un facteur important de dégradation. Les politiques publiques commencent à instaurer des réglementations strictes pour le limiter à certaines zones afin de préserver la biodiversité et favoriser la régénération forestière. La pratique entame alors une importante phase de déclin, avant de connaître un renouveau limité à partir de la fin du XXe siècle. Aujourd’hui, le pâturage est de plus en plus considéré comme une pratique pouvant s’inscrire dans une gestion multifonctionnelle des forêts. La prise de conscience croissante, depuis quelques décennies, de l’importance du patrimoine rural, dans le cadre de démarches favorisant le développement local et l’agriculture durable, encourage la relance de certaines pratiques traditionnelles, dont le pâturage forestier. Il peut être utilisé comme un outil de contrôle de la végétation, de limitation de la prolifération d’espèces envahissantes ou de favorisation de la régénération naturelle. Les contributions s’inscrivant dans cet axe pourront mettre en lumière les processus culturels, sociaux, économiques et institutionnels ayant conduit aux changements de perception observés ces derniers siècles ou décennies. Il s’agira d’étudier comment les sociétés ont été traversées, selon les périodes, par des mécanismes d’acceptation, de soutien, de rejet ou de résistance à cette pratique.
3. Le retour de la forêt pâturée à la lumière des enjeux de gouvernance.
Comme par le passé, la coexistence entre les activités agricoles, sylvicoles, récréatives et de conservation pose aujourd’hui divers défis en matière de gouvernance. Un pâturage bien contrôlé permet de maintenir certains habitats ouverts et de favoriser la biodiversité, contribuant ainsi à une bonne gestion forestière et à une politique d’aménagement du territoire efficace. En revanche, un pâturage excessif peut entraîner la dégradation des sols, la perte de végétation et la diminution de la biodiversité. Le retour de cette pratique pose donc la question de son intégration dans une gestion forestière équilibrée permettant de préserver les services écosystémiques. La clé réside dans une gestion adaptée aux enjeux locaux et aux changements environnementaux globaux. La mise en œuvre du pâturage en forêt est souvent confrontée à des contraintes réglementaires et à une acceptation locale variable, ce qui peut limiter son développement. Les communications rendant compte des débats en cours, articulés à la question de mises en œuvre concrètes et mettant en lumière toute la complexité du jeu d’acteurs, seront particulièrement les bienvenues.
4. La question de la viabilité économique.
Pour certains éleveurs, le pâturage en forêt constitue une activité complémentaire ou alternative face aux coûts élevés de l’élevage en prairie ouverte ou en zone agricole intensive. Il peut également représenter une source de revenus grâce à la valorisation touristique ou patrimoniale. Toutefois, la viabilité du retour à la forêt pâturée dépend souvent de subventions ou d’incitations financières, car le marché ne valorise pas toujours suffisamment cette pratique par rapport à d’autres usages forestiers ou agricoles. Par ailleurs, le pâturage est confronté à des pressions concurrentes telles que l’exploitation forestière commerciale, l’aménagement touristique ou la conservation, ce qui limite parfois l’espace disponible ou complique sa mise en œuvre. Les fluctuations des prix du lait, de la viande ou d’autres produits issus de l’élevage en pâturage forestier ont un impact direct sur la viabilité économique de cette activité, tout comme les variations climatiques (sécheresses, inondations), qui peuvent affecter la productivité et compliquer la planification économique à long terme. La prédation, en particulier par le loup, constitue un autre enjeu important. Les communications s’inscrivant dans cet axe pourront notamment mettre en avant les défis contemporains auxquels cette pratique est confrontée, et discuter des similarités et des différences avec la situation qui prévalait par le passé.
Modalités de soumission
Les propositions devront comporter le titre de la communication, un résumé de 15 à 20 lignes (une demi-page maximum) accompagné d’une courte bibliographie indicative (5 références) et d’une brève présentation de l’auteur (titre, institution, laboratoire de rattachement le cas échéant).
Elles seront envoyées avant le 30 septembre 2025 à jawad.daheur chez ehess.fr
Les propositions seront étudiées par le Comité́ scientifique et les auteurs seront avisés du résultat des délibérations après le 15 octobre 2025.
Des précisions seront alors données sur l’organisation matérielle de la journée d’études. Les textes des interventions seront publiés dans le Cahier du GHFF, Forêt, Environnement et Société, après évaluation par un comité́ de lecture.
Coordinateur : Jawad DAHEUR
Comité scientifique
Jawad DAHEUR
Marie DELCOURTE-DEBARRE
Fabrice GUIZARD
Patricia GUYARD
Micheline HOTYAT
Représentant ONF
Colloque
Vendredi 30 janvier 2026
Page créée le mercredi 6 août 2025, par Webmestre.