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Pratiques militaires et globalisation, XIXe-XXe siècles. Combattre, administrer, acculturer (Aix-en-Provence, mai-juin 2012 <1er/10/2011)

Pratiques militaires et globalisation, XIXe – XXe siècles. Combattre, administrer, acculturer

Colloque organisé par Sciences Po Aix du 31 mai au 2 juin 2012, Institut d’Etudes Politiques d’Aix en Provence

Coordination scientifique :

- Walter BRUYÈRE-OSTELLS, w.bruyereostells chez gmail.com
- François DUMASY, fdumasy chez hotmail.com

Comité scientifique :

- Stéphane AUDOIN-ROUZEAU (Professeur en Histoire, EHESS)
- Jacques—Olivier BOUDON (Professeur en Histoire, Université Paris-IV)
- Raphaëlle BRANCHE (Maître de conférences HDR en Histoire, Université Paris-I)
- Walter BRUYÈRE-OSTELLS (Maître de conférences Histoire, Sciences Po Aix)
- Frédéric CHARILLON (Professeur en Sciences Politiques, Université d’Auvergne et Sciences Po Paris)
- François DUMASY (Maître de conférences Histoire, Sciences Po Aix)
- Bernard GAINOT (Maître de conférences HDR en Histoire, Université Paris-I)
- Hubert HEYRIÈS (Professeur en Histoire, Université Montpellier-III)
- Jean-Charles JAUFFRET (Professeur en Histoire, Sciences Po Aix)
- Gilles PECOUT (Professeur en Histoire, ENS Ulm-EPHE)

Les projets de contribution (environ une page maximum) doivent être envoyés au plus tard le 1er octobre 2011 à Nicole Bordet nicole.bordet chez sciencespo-aix.fr

Le terme de globalisation s’est imposé récemment dans l’analyse politique, économique ou historique comme dans le langage commun. Mais son succès même repose sur l’imprécision du concept, qui tend à désigner sous un vocable englobant à la fois la complexité des interactions et interdépendances du monde contemporain et la recomposition des rapports de force culturels au niveau planétaire. Historiquement, cette densification des réseaux de dépendances s’est caractérisée par l’affirmation des normes, des techniques et des représentations des sociétés dites occidentales. Devenu essentiellement économique et culturel (mais qui reste garantit par la répartition des forces armées), ce processus s’est largement appuyé dans un premier temps sur la conquête militaire ou la démonstration de force.

La généralisation d’un modèle militaire occidental au cours des 19e et 20e siècles a ainsi été un élément déterminant d’un processus qui fut en partie aussi une « européanisation » du monde. L’émergence de nouvelles puissances en Asie et sur le continent américain au cours de cette période fut ainsi elle-même le fruit de la diffusion de pratiques disciplinaires et de techniques importés d’Europe, parfois au prix de la disparition rapide de conceptions séculaires du pouvoir militaire.

L’histoire du fait et des pratiques militaires s’est depuis plusieurs années enrichie des apports d’autres courants historiques et des sciences humaines. Ce renouvellement a permis de repenser la définition de la nature du pouvoir, de la diffusion de pratiques et de l’évolution des liens sociaux au cours des deux derniers siècles. La méthode comparatiste, diachronique ou synchronique, a de même contribué à l’émergence de nouveaux éléments de réflexion conceptuels. La variation des échelles d’analyse a d’ailleurs contribué tant à redécouvrir l’importance de l’expérience individuelle – et, dans sa forme la plus traumatisante, celle de la violence de guerre – qu’à étudier le passage sous les armes comme un fait social fondamental des sociétés contemporaines.

L’objectif de ce colloque est de prolonger ces apports tout en confrontant les résultats obtenus. Pour cela, plusieurs axes ont été retenus, autour de trois thèmes principaux qui se complètent mutuellement : combattre, administrer, acculturer.

1. Combattants européens et modèle occidental de guerre.

L’expansion européenne à partir du XVIe siècle est indissociable de la disparité des rapports de forces qui imposent progressivement le modèle de l’armée européenne occidentale, lui-même en constante évolution, jusqu’à la théorisation des pratiques de la guérilla révolutionnaire ou des conflits asymétriques. Les armées s’affirment comme de puissants vecteurs de circulation de techniques nouvelles, avec pour conséquence une croissance de la capacité de destruction, tant sur les corps que sur les sociétés.

On cherchera à mesurer le rôle des militaires européens dans la diffusion des mutations techniques et stratégiques de l’Europe vers le reste du monde. On pourra ainsi étudier le rôle des « conseillers militaires » dans cette diffusion. Quelle part de ces formes de diffusion est l’objet de trajectoires, d’initiatives individuelles ? Y a-t-il une stratégie de certains Etats ou régimes ? Quel est l’impact de ces enseignements nouveaux sur les modèles de guerre non européens ?

En retour, la confrontation à des sociétés nouvelles a-t-elle entraîné transformations des armées ? On pourra ainsi évoquer les évolutions stratégiques des armées européennes : importance croissante des infanteries de marine, poids de l’artillerie (politique de la canonnière), techniques de quadrillage de vastes territoires et de contre-insurrection… Le problème des violences croissantes de guerre pourra ainsi être mis en perspective avec leur exercice contre des populations non-européennes et les processus de domination coloniale.

Ces évolutions techniques et tactiques posent aussi la question de l’affirmation de nouveaux corps de spécialistes et de la diffusion des innovations. La légitimité au commandement tend à s’affranchir du rang ou de la naissance au profit d’une forme de méritocratie fondée sur la maitrise des outils de la coercition. On cherchera ainsi à mesurer tant l’influence des évolutions scientifiques sur la hiérarchie interne des armées qu’à en étudier la réciprocité. Hors des sociétés occidentales dans lesquelles se développent ces innovations, quel fut l’impact des nouveaux armements sur les autres sociétés qui se trouvent confrontées à l’expansion et à la domination militaire ? Comment la hiérarchie militaire, fondée en partie sur la technicité, a-t-elle contribué à redéfinir les structures et hiérarchies des sociétés attenantes ?

2. Dominer et administrer

L’influence des conquêtes militaires sur les formes du politique a été souvent soulignée. Avec le mouvement d’expansion européenne, les forces armées en viennent à concentrer des pouvoirs politiques de plus en plus étendus dans les territoires conquis. Par ailleurs, l’armée elle-même tend à s’imposer dans les Etats européens comme une étape essentielle de la formation du sujet ou du citoyen, et donc d’intégration des individus dans un corps politique en évolution.

Dans quelle mesure les mécanismes internes qui président à l’élaboration de nouvelles techniques de gouvernement par l’armée influencent-ils la mise en place d’administrations militaires, dont la logique d’action est le plus souvent opposée à la démocratisation des sociétés métropolitaines à la fin du XIXe siècle ? Comment sont formés les administrateurs militaires et officiers chargés d’exercer les prérogatives du pouvoir civil ? Inversement, quel poids a pu avoir l’expérience des armes dans la carrière ou les pratiques politiques, depuis le militantisme de base jusqu’au parcours des hauts fonctionnaires et hommes politiques des différentes sociétés ? Comment par ailleurs observer la circulation des influences et l’éventuelle uniformisation des pratiques du politique, à la suite de celle des techniques militaires ?

Ces questions touchent au rôle des armées dans l’accès aux responsabilités politiques et dans la diffusion des modèles sociaux. Parallèlement, le soin mis à limiter l’interférence entre le pouvoir militaire et la sphère de la cité politique demanderait à être analysé dans le cadre des interrogations sur le corps politique tout au long de la période observée. Nous privilégierons dans cette optique les approches attentives à l’étude des processus de décision et aux apports de la science politique et de la sociologie.

3. Processus d’acculturation et de diffusion de représentations

La question du poids des idéologies, des représentations et des pratiques culturelles fait écho aux débats sur les notions de diffusion, de transfert, de référence et d’acculturation dans l’analyse des circulations. Les armées du XIXe siècle sont porteuses de discours idéologiques forts (dans la lignée de la Révolution française notamment). Quel est leur rôle dans la diffusion du nationalisme hors d’Europe ? Quelle diffusion pour les cultures politiques et les réseaux de sociabilité européens ? Le rôle de la franc-maçonnerie ou des sociétés secrètes en Amérique latine ou au Moyen-Orient témoigne de l’interpénétration entre l’affirmation de nouvelles idéologies et la diffusion de structures politiques en grande partie inspirées du monde militaire.

Plus généralement se pose la question du rôle des armées dans l’imposition ou la généralisation de représentations nouvelles. Peut-on considérer, dans la lignée des travaux de Max Weber, que les armées européennes ont été un facteur de « désenchantement du monde », en favorisant la sécularisation ou le passage progressif de la religion dans la sphère privée, et en minant le fondement des sociétés traditionnelles ? Comment l’armée a-t-elle parfois pu être un vecteur de politisation et d’unification de la communauté nationale, depuis l’enracinement de la République en France après 1870 jusqu’à la création de corps spécifiquement destinés à l’éducation politique des conscrits, comme les commissaires politiques en URSS ?

Au-delà, la question du poids de la militarisation des sociétés tant européennes que coloniales nécessite de sonder le rôle des pratiques militaires dans la recomposition ou la déstructuration des modèles sociaux. La conscription et la vie de caserne s’affirment comme des facteurs d’acculturation majeurs. Les normes vestimentaires, comportementales ou d’hygiène, l’imposition de disciplines corporelles, la scansion du temps pour le service restent encore largement à étudier, notamment dans le cas d’armées allogènes ou des Etats pluriculturels. Le rôle de la l’armée dans l’unification linguistique, et plus globalement le poids de l’expérience militaire dans l’anthropologie des sociétés contemporaines (qu’il s’agisse des modes de nutrition, de la sexualité ou encore du passage sous l’uniforme comme voie d’accès à la communauté des adultes) seront étudiés dans cette optique. On pourra s’interroger ainsi sur la porosité culturelle entre armées européennes et populations non-européennes à travers l’instauration de troupes indigènes ou de corps spécifiques.


Page créée le mardi 21 juin 2011, par Dominique Taurisson-Mouret.


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