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Pratiques militaires et globalisation, XIXe-XXe siècles (Colloque IEP, Aix-en-Provence < 10/10/2011)

Pratiques militaires et globalisation, XIXe-XXe siècles Combattre, administrer, acculturer

Military practices and globalization, 19th - 20th centuries
Fighting, managing, acculturating

Ce colloque se tiendra à l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix en Provence du 31 mai au 2 juin 2012

Aix en Provence (13625) (25 rue Gaston de Saporta)

Résumé

Pratiques militaires et globalisation, XIXe - XXe siècles. Combattre, administrer, acculturer. Colloque international, Sciences Po Aix, Aix-en-Provence, 30 mai - 1er juin 2012. Ce colloque vise à étudier le rôle des armées et des pratiques militaires dans la diffusion de techniques et la circulation de normes de domination, d’administration et d’acculturation aux XIXe et XXe siècles (en Europe, Afrique, Asie, Amérique, Océanie). Partant de l’histoire militaire, mais aussi de l’histoire culturelle et politique ou de l’anthropologie historique, il se veut interdisciplinaire. Langues acceptées : français et anglais.

Annonce

Le terme de globalisation s’est imposé récemment dans l’analyse politique, économique ou historique comme dans le langage commun. Mais son succès même repose sur l’imprécision du concept, qui tend à désigner par sous un vocable englobant à la fois la complexité croissante des interactions et interdépendances du monde contemporain et la recomposition des rapports de force culturels au niveau planétaire. Historiquement, cette densification des réseaux de dépendances s’est en effet aussi caractérisée par l’affirmation des normes, des techniques et des représentations des sociétés dites occidentales. Devenu essentiellement économique et culturel (mais qui reste garantit par la répartition des forces armées), ce processus s’est largement appuyé dans un premier temps sur la conquête militaire ou la démonstration de force.

La généralisation d’un modèle militaire occidental au cours des 19e et 20e siècles a ainsi été un élément déterminant d’une globalisation qui fut en grande partie aussi une « européanisation » du monde. L’émergence de nouvelles puissances en Asie et sur le continent américain au cours de cette période fut ainsi elle-même le fruit de la diffusion de pratiques disciplinaires et de techniques importés d’Europe, parfois au prix de la disparition rapide de conceptions séculaires du pouvoir militaire, depuis le massacre des janissaires dans l’Empire ottoman à la disparition des samouraïs du Japon ou des castes de guerriers ailleurs.

Longtemps marginalisée par les critiques envers une « histoire-bataille », accusée de privilégier le fait d’armes au détriment de l’analyse sociale et économique, et par une approche quantitative attentive surtout au temps long et aux superstructures, l’histoire militaire s’est depuis plusieurs années enrichie par l’apport de l’histoire politique, de l’histoire culturelle, de l’anthropologie ou de la sociologie. Ce renouvellement a permis de repenser la place du fait militaire dans la définition de la nature du pouvoir, dans la diffusion de pratiques et dans l’évolution des liens sociaux au cours des deux derniers siècles. La méthode comparatiste, diachronique ou synchronique, s’inscrit également dans les nouvelles voies explorées, apportant ainsi de nouveaux éléments de réflexion conceptuels. La variation des échelles d’analyse a d’ailleurs contribué tant à redécouvrir l’importance de l’expérience individuelle – et, dans sa forme la plus traumatisante, celle de la violence de guerre – qu’à étudier le passage sous les armes comme un fait social fondamental des sociétés contemporaines, jusqu’à la récente et progressive fin du service militaire.

L’objectif de ce colloque est de prolonger ces apports tout en confrontant les résultats obtenus. Notre parti-pris est donc ici de reconsidérer la relation entre l’évolution du rôle des forces armées (et de l’expérience militaire) et les évolutions culturelles, techniques et politiques du monde contemporain. Pour cela, plusieurs axes ont été retenus, autour de trois thèmes principaux qui se complètent mutuellement : combattre, administrer, acculturer.

1. Combattants européens et modèle occidental de guerre.

L’expansion européenne à partir du XVIe siècle est d’abord le résultat de progrès techniques, dont les conséquences sur l’armement et l’acheminement de troupes armées sont immédiates. Cette expansion est de même indissociable de la disparité des rapports de forces et d’expéditions militaires, imposant progressivement le modèle de l’armée européenne occidentale, lui-même en constante évolution, jusqu’à la théorisation des pratiques de la guérilla révolutionnaire ou des conflits asymétriques. Les armées s’affirment ainsi comme de puissants vecteurs de circulation de techniques nouvelles, avec pour conséquence une croissance de la capacité de destruction, tant sur les corps que sur les sociétés.

On cherchera à mesurer le rôle des militaires européens dans la diffusion des mutations techniques et stratégiques de l’Europe vers le reste du monde, à l’instar des travaux qui ont pu être montrés en ce sens pour les officiers napoléoniens au Nouveau-Monde par exemple. On pourra ainsi étudier le rôle des « conseillers militaires » dans cette diffusion : influence française d’abord au XIXe siècle puis prussienne (Amérique latine, Japon). Quelle part de ces formes de diffusion est l’objet de trajectoires, d’initiatives individuelles ? Y a-t-il une stratégie de certains Etats ou régimes (France de Napoléon III en Extrême-Orient, Allemagne de Guillaume II dans l’empire ottoman…) ? Quel est l’impact de ces enseignements nouveaux sur les modèles de guerre non européens ?

En retour, la confrontation à des sociétés nouvelles a-t-elle entraîné transformations des armées ? On pourra ainsi évoquer les évolutions stratégiques des armées européennes : importance croissante des infanteries de marine, poids de l’artillerie (politique de la canonnière), techniques de quadrillage de vastes territoires et de contre-insurrection... Le problème des violences croissantes de guerre pourra ainsi être mis en perspective avec leur exercice contre des populations non-européennes : y a-t-il une violence coloniale spécifique ? Doit-on simplement l’interpréter comme le résultat de conflits asymétriques, de « petites guerres » ?

Ces évolutions techniques et tactiques posent par ailleurs la question de l’affirmation de nouveaux corps de spécialistes et de la diffusion des innovations. La légitimité au commandement tend à s’affranchir du rang ou de la naissance au profit d’une forme de méritocratie fondée sur la maitrise des outils de la coercition. On cherchera ainsi à mesurer tant l’influence des évolutions scientifiques sur la hiérarchie interne des armées qu’à en étudier la réciprocité. Hors des sociétés occidentales dans lesquelles se développent ces innovations, quel fut l’impact des nouveaux armements sur les autres sociétés qui se trouvent confrontées à l’expansion et à la domination militaire ? Comment la hiérarchie militaire, fondée en partie sur la technicité, a-t-elle contribué à redéfinir les structures et hiérarchies des sociétés attenantes ?

2. Dominer et administrer

L’influence des conquêtes militaires sur les formes du politique a été souvent soulignée, depuis les conséquences des guerres napoléoniennes en Europe jusqu’aux bureaux arabes de l’Algérie coloniale. Avec le mouvement d’expansion européenne, les forces armées en viennent à concentrer des pouvoirs politiques de plus en plus étendus dans les territoires conquis. Par ailleurs, l’armée elle-même tend à s’imposer dans les Etats européens comme une étape essentielle de la formation du sujet ou du citoyen, et donc d’intégration des individus dans un corps politique en évolution.

Les mécanismes internes qui président à l’élaboration de nouvelles techniques de gouvernement par l’armée restent cependant encore mal connus. Dans quelle mesure la discipline et les principes hiérarchiques propres au monde militaire influencent-elles la mise en place d’administrations coloniales, dont la logique d’action est le plus souvent opposée à la démocratisation des sociétés métropolitaines à la fin du 19e siècle ? Comment sont formés les administrateurs militaires et officiers chargés d’exercer les prérogatives du pouvoir civil ? Inversement, quel poids a pu avoir l’expérience des armes dans la carrière ou les pratiques politiques, depuis le militantisme de base jusqu’au parcours des hauts fonctionnaires et hommes politiques des différentes sociétés ? Comment par ailleurs observer la circulation des influences et l’éventuelle uniformisation des pratiques du politique, à la suite de celle des techniques militaires ?

Ces questions touchent au rôle des armées dans l’accès aux responsabilités politiques et dans la diffusion des modèles sociaux : que l’on pense au débat sur Le rôle social de l‘officier (Lyautey), ou ceux sur la place accordée aux les combattants indigènes des armées européennes dans les sociétés coloniales. A contrario, le soin mis à limiter l’interférence entre le pouvoir militaire et la sphère de la cité politique, par l’imposition d’un droit de réserve, l’interdiction d’activités militantes ou syndicales ou une vigilance politique demanderait à être analysé dans le cadre des interrogations sur le corps politique tout au long de la période observée.

L’armée peut être ainsi un lieu d’observation privilégié de l’étude de la fabrication des normes politiques et de la diffusion des idéologies. Nous privilégierons dans cette optique les approches attentives à l’étude des processus de décision et aux apports de la science politique et de la sociologie.

3. Processus d’acculturation et de diffusion de représentations

La question du poids des idéologies, des représentations et des pratiques culturelles est indissociable des axes précédents. Elle fait écho aux débats sur les notions de diffusion, de transfert, de référence et d’acculturation dans l’analyse des circulations. Les armées du XIXe siècle sont porteuses de discours idéologiques forts (dans la lignée de la Révolution française notamment). Quel est leur rôle dans la diffusion du nationalisme hors d’Europe ? Quelle diffusion pour les cultures politiques et les réseaux de sociabilité européens ? Le rôle de la franc-maçonnerie ou des sociétés secrètes en Amérique latine ou au Moyen-Orient (officiers de la révolution Jeune Turque) témoigne de l’interpénétration entre l’affirmation de nouvelles idéologies et la diffusion de structures politiques en grande partie inspirées du monde militaire (stricte hiérarchisation qui se surimpose au rang social d’origine, obéissance, exaltation de l’action armée).

Plus généralement se pose la question du rôle des armées dans l’imposition ou la généralisation de représentations nouvelles, essentiellement occidentales. Peut-on ainsi considérer, dans la lignée des travaux de Max Weber, que les armées européennes ont été un facteur de « désenchantement du monde », en favorisant la sécularisation ou le passage progressif de la religion dans la sphère privée, et minant ainsi le fondement des sociétés traditionnelles ? Comment l’armée a-t-elle parfois pu être un vecteur de politisation et d’unification de la communauté nationale, depuis l’enracinement de la République en France après 1870 jusqu’à la création de corps spécifiquement destinés à l’éducation politique des conscrits, comme les commissaires politiques en URSS ?

Au-delà, la question du poids de la militarisation des sociétés tant européennes que coloniales nécessite de sonder le rôle du modèle militaire et des pratiques attenantes dans la recomposition ou la déstructuration des modèles sociaux antérieurs. Le passage sous les drapeaux, la conscription et la vie de caserne s’affirment comme des facteurs d’acculturation majeurs. La modification de la culture matérielle, la diffusion de nouvelles normes vestimentaires, comportementales ou d’hygiène, l’imposition de disciplines corporelles nouvelles, l’influence de la scansion du temps pour le service restent ainsi encore largement à étudier, notamment dans le cas d’armées allogènes ou des Etats pluriculturels. Le rôle de la l’armée dans l’unification linguistique, et plus globalement le poids de l’expérience militaire dans l’anthropologie des sociétés contemporaines (qu’il s’agisse des modes de nutrition, de la sexualité ou encore du réinvestissement du passage sous l’uniforme comme forme d’accès à la communauté des adultes) restent de même encore bien souvent à éclairer. On pourra s’interroger ainsi sur la porosité culturelle entre armées européennes et populations non-européennes à travers l’instauration de troupes indigènes ou de corps spécifiques tels que les Gurkhas britanniques, la légion étrangère en France et en Espagne. La question de la circulation et de la réciprocité des influences notamment, dont témoignent à la fois la fascination des sociétés colonisées pour certains officiers, l’importance du vocabulaire issus des troupes coloniales encore actuellement et l’importance du fait militaire dans l’acculturation des sociétés civiles, demande à être posée.
Modalités de candidature et de sélection

Les projets de contribution (environ une page maximum) doivent être envoyés au plus tard le 10 octobre 2011 à Nicole Bordet nicole.bordet chez sciencespo-aix.fr

Comité scientifique

- Stéphane AUDOIN-ROUZEAU (Professeur en Histoire, EHESS),
- Jacques-Olivier BOUDON (Professeur en Histoire, Université Paris-IV),
- Raphaëlle BRANCHE (Maître de conférences HDR en Histoire, Université Paris-I),
- Walter BRUYÈRE-OSTELLS (Maître de conférences Histoire, Sciences Po Aix),
- Frédéric CHARILLON (Professeur en Sciences Politiques, Université d’Auvergne et Sciences Po Paris),
- François DUMASY (Maître de conférences Histoire, Sciences Po Aix),
- Bernard GAINOT (Maître de conférences HDR en Histoire, Université Paris-I),
- Hubert HEYRIÈS (Professeur en Histoire, Université Montpellier-III),
- Jean-Charles JAUFFRET (Professeur en Histoire, Sciences Po Aix),
- Gilles PECOUT (Professeur en Histoire, ENS Ulm-EPHE)

Coordination scientifique

- Walter BRUYÈRE-OSTELLS : w.bruyereostells chez gmail.com
- François DUMASY : fdumasy chez hotmail.com

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Page créée le mardi 4 octobre 2011, par Dominique Taurisson-Mouret.


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