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Appel
Date limite de soumission : vendredi 10 janvier 2025
L’histoire du colonialisme européen se présente fondamentalement comme une histoire d’expansion. Mais elle inclue aussi, depuis ses débuts, de processus de décolonisation. Ces décolonisations s’accompagnent, dans différentes sociétés (colonisatrices ou colonisées), de changements sociaux et culturels, d’expériences de perte et de transmissions (de savoir, de pouvoir, de modes de vie, de hiérarchies et d’objets). Cette histoire est inscrite dans de nombreux objets. La conférence prévue entend retracer l’histoire de la colonisation et de la décolonisation à l’aide des "choses", en mettant l’accent sur la matérialité des objets dans le contexte des sociétés postcoloniales, tant dans les (anciennes) colonies que dans les métropoles.
Les objets du quotidien n’ajustent pas seulement l’espace « métropolitain », mais aussi l’espace et le temps coloniaux ou décoloniaux. Ils rendent le passé visible dans le présent ; ils sont des témoignages matériels de l’histoire croisée des colonisateurs et des colonisés. Ils établissent des zones de contact, ouvrent des espaces de négociation et modifient historiquement des points de vue qui renégocient constamment le rapport entre la périphérie et le centre. Les objets matériels sont, dans ce sens, aussi des porteurs de significations symboliques et des objets d’usage quotidien.
Le colloque se concentrera sur le rôle des objets dans les processus de décolonisation entre le 18e et le 21e siècle dans les sociétés (anciennement) colonisées ainsi que dans les métropoles coloniales, qui seront étudiés à l’intersection de la matérialité et la mémoire. La décolonisation est considérée comme un processus culturel et social inachevé et continu. Dans ce processus, les objets jouent un rôle particulier. Cela ne concerne pas seulement les objets religieux, politiques et artistiques qui sont arrivés dans les musées européens et les propriétés privées par le pillage, le commerce ou par d’autres voies et qui sont aujourd’hui au centre des discussions sur la restitution. Il s’agit également d’objets du quotidien impérial tels que les pièces de monnaie, les timbres et les cartes postales ou de collection, ainsi que d’objets de consommation produits industriellement, de monuments et de bâtiments qui ont ancré les empires coloniaux respectifs dans l’espace national et colonial, d’infrastructures coloniales et d’objets de traite. Dans le cadre de ce colloque, ces objets seront également considérés comme des producteurs de sens et d’identités, comme des éléments d’une culture éthique et politique qui, dans le cadre de processus de mémoire, renvoient aussi bien à des passés impériaux qu’à des présents et des futurs postcoloniaux.
L’accès analytique se fait par la matérialité et le « Eigensinn », l’entêtement ou "volonté propre des objets" (Hans Peter Hahn). Le colloque abordera les questions initiées par le material turn concernant les modes de représentation des objets, leurs réceptions ainsi que leurs attributions dynamiques de signification pour le passé et pour les discours sur la mémoire. Que disent les objets sur les processus de décolonisation et comment la matérialité et la mémoire sont-elles imbriquées l’une dans l’autre dans cette perspective ? Quelles sont les pratiques mémorielles qui s’entremêlent avec les objets et comment celles-ci accompagnent et influencent les changements historiques des mémoires ? La juxtaposition de processus de décolonisation exemplaires d’États post-impériaux d’Europe occidentale et de sociétés postcoloniales africaines, américaines et asiatiques permet de déterminer les défis et les objectifs des processus de décolonisation. Dans quelle mesure les objets peuvent-ils être « décolonisés » ? Quelles sont les pratiques nécessaires à cet effet et comment sont-elles liées aux discours sur la mémoire (dans le traitement des monuments, les pratiques d’exposition, etc.) Les material culture studies ont produit ces dernières années des études scientifiques sur la matérialité, la symbolique et l’agency, qui attribuent également aux objets quotidiens une fonction pionnière dans la culture matérielle - même si les objets ne jouent apparemment qu’un rôle secondaire dans la vie quotidienne. Dans le cadre du colloque, il s’agira ensuite d’interroger la question du "sens propre" des objets dans les contextes critiques de décolonisation et leur corrélation avec les discours de la mémoire.
Dans cette mesure, une histoire de la décolonisation travaillant avec des objets examinera moins les vastes espaces de déploiement du (post)colonial que les nœuds condensés de ce qui est spécifiquement mémorisé par l’objet. Les objets permettent ainsi d’écrire une « histoire croisée » de la décolonisation, qui considère la simultanéité et l’interdépendance des processus de décolonisation dans les anciennes métropoles et colonies dans leur interdépendance. Car les possibilités de mémoire partagée, mais aussi les potentiels de conflits, se forment à partir de l’"histoire coloniale partagée" transculturelle de telle sorte qu’ils continuent à former de manière dynamique et dialogique ce qui a été imaginé par le biais de l’objet. Mais le lieu de mémoire créé par un objet incite-t-il aussi à se souvenir ensemble ?
Le point de référence est la « situation coloniale » (G. Balandier) transculturelle et transnationale dans laquelle, grâce à la réduction, les recoupements concurrents des mémoires sont exacerbés. Dans les objets et la pratique de commémoration/mémoire qui les entoure se déposent ainsi des « couches temporelles » (R. Koselleck) qui relient les temporalités impériales et postcoloniales. Elles se manifestent par exemple aujourd’hui encore comme des temporalités impériales dans les pratiques d’exposition des musées, qui sont à leur tour vivement critiquées par les acteurs décoloniaux.
Les dynamiques d’attente des objets et les constructions temporelles des collections permettent de se demander comment ces différentes logiques temporelles se sont déployées dans des contextes (post)coloniaux. Par exemple : Quels objets sont traités comme « modernes », lesquels comme l’expression d’une société « traditionnelle », et quels en sont les effets ? Quels objets s’opposent à de telles logiques (par exemple les représentations de « colons » dans des statuettes africaines sculptées, des photographies commandées par des souverains locaux, etc.) Quelles représentations nostalgiques sont associées, dans les différentes sociétés postcoloniales, à des objets kitsch comme des tasses de thé décorées de symboles de l’Empire ? Ainsi, une approche par les objets peut ouvrir non seulement des espaces (post-)impériaux, mais aussi des temporalités et les ouvrir à une analyse des discours postcoloniaux.
La question centrale du colloque, à savoir le rapport entre matérialité, mémoire et décolonisation, englobe aussi bien des objets de l’espace public, tels que des statues et des monuments, que des objets de l’espace privé, de petite taille, qui trouvent par exemple leur application dans la vie quotidienne, comme un service à thé victorien. Grâce à la distinction de l’espace et de l’emplacement de l’objet, par exemple des places principales, des cimetières ou des espaces d’habitation, il est possible de poser des questions sur la force symbolique et la "portée" de la matérialité.
L’étude de l’imbrication de la matérialité et de la mémoire dans les processus de décolonisation doit également inclure des questions intersectionnelles (genre, race, classe, indigénat). Ces catégories d’étude permettent justement d’interroger, dans différents domaines, les expériences (post)coloniales, les structures sociales, les rapports de pouvoir, les hiérarchies, les possibilités d’action et les conceptions du savoir.
Le colloque sera structuré en sections en fonction des processus de décolonisation des États colonisés. Le cadre géographique sera ici large et englobera les empires ultramarins européens ainsi que les sociétés colonisées et postcoloniales qu’ils ont créées dans le Sud global, afin de permettre des analyses comparatives. L’accès doit se faire par le biais d’objets ou de catégories d’objets et de leur rôle dans des contextes spécifiques : quel est le "sens propre" des objets ? Comment les hiérarchies intersectionnelles (race, classe, genre, etc.) s’expriment-elles dans les objets et, inversement, comment les choses agissent-elles dans le contexte de ces hiérarchies ? Comment interagissent-ils avec les temporalités et les espaces (post)coloniaux ? Quel rôle jouent-elles dans la rencontre coloniale, en tant que zones de contact ? Comment la mémoire postcoloniale (du côté des colonisateurs comme des colonisés) se fixe-t-elle sur des objets ? A quelles attributions de signification sont-ils soumis et les objets peuvent-ils aussi s’y soustraire ? Comment le rôle des objets évolue-t-il dans le contexte de la production en série et de la montée en puissance des sociétés de consommation au Nord et au Sud ? Comment les objets changent-ils dans ces processus et comment les influencent-ils à leur tour ?
Modalités de soumission
La conférence aura lieu à Paris du 18 au 23 mars 2026, sous réserve de l’obtention de financements externes pour couvrir les frais de voyage et de repas de tous les participants. Nous vous invitons à soumettre des résumés pertinents à rheinze chez dhi-paris.fr avant le 10 janvier 2025.
La décision de participation sera communiquée par les organisateurs avant le 10 février.
Langue de la communication : Français, allemand ou anglais.
Les communications seront de 10 à 15 minutes, suivies de questions.
Format des propositions :300-500 mots en ajoutant votre nom, institution et courriel
Comité scientifique
Prof. Dr. Stefan Berger, Université de Bochum
Dr. Robert Heinze, IHA Paris
Prof. Dr. Klaus Oschema, IHA Paris
Prof. Dr. Benedikt Stuchtey, Université de Marburg
Colloque
Du 18 au 23 mars 2025 (Paris, Institut historique allemand)
Page créée le mercredi 11 décembre 2024, par Webmestre.