Appel
Date limite de soumission : lundi 28 février 2022
Numéro thématique de la revue Géographie et cultures dirigé par Caroline Desbiens, professeure titulaire, caroline.desbiens chez ggr.ulaval.ca et Justine Gagnon, professeure adjointe, justine.gagnon chez ggr.ulaval.ca
Chaire de recherche du Canada en patrimoine et tourisme autochtones, département de géographie, Université Laval, Québec, Canada
Tout comme la notion de culture, le concept de « sacré » est polysémique et appelle la description dense (Geertz 1973). L’étude des religions rejoint une partie de l’expression du sacré mais est loin de correspondre à l’ensemble de ses manifestations au sein des sociétés. Afin d’élargir cette grille et de s’inscrire dans le courant large des travaux sur la production du sacré et la sacralisation du monde (Eliade 1987), nous proposons dans ce numéro thématique d’investiguer la notion de sacré d’abord dans une perspective géographique et, deuxièmement, à partir des cultures et épistémologies autochtones.
Le concept d’autochtonie que nous mettons en avant est fondé sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (Nations Unies 2007). De prime abord, une caractéristique importante se dégage des épistémologies autochtones du sacré, et ce dans plusieurs contextes géographiques : elles relèvent le plus souvent d’une vision holistique, s’attachant, par exemple, non pas à des objets ou des sites délimités dans l’espace, mais plutôt à des paysages. De cela découle que les espaces jugés sacrés le sont souvent en raison de leur patrimoine immatériel (Carmichael et al. 1994). Dès lors, tout comme la religion est un cadre trop étroit pour saisir le sacré, les milieux bâtis ou vestiges archéologiques ne recoupent qu’une partie minime du pouvoir particulier attribué à des lieux de puissance par les populations autochtones. La géographie culturelle représente un terreau fertile pour développer une meilleure compréhension de ces dynamiques. À terme, l’analyse de la diversité des rapports au sacré selon les espaces et cultures où il s’incarne peut mettre en lumière certains abus coloniaux qui perdurent encore aujourd’hui dans les politiques de reconnaissance et protection par l’État : dans plusieurs sociétés euro-descendantes, la protection du patrimoine « religieux » domine les politiques culturelles, ceci au détriment d’une approche où le sacré se déclinerait dans un large éventail de formes et d’espaces.
Nous désirons examiner ces enjeux en nous appuyant sur une variété de perspectives et d’études de cas, notamment autour des questions suivantes :
Quel est le statut du milieu bâti et du milieu naturel dans la construction du domaine du sacré dans les populations étudiées ?
Quels sont les liens qui se forment entre les individus, les communautés et l’espace dans l’expérience et la conception du sacré ?
Quel est le rôle de lieux géographiques spécifiques pour ancrer ces liens au sacré, les soutenir, les développer et les transmettre ?
Comment la configuration ou les caractéristiques géographiques de certains sites contribuent-elles à les ériger en « lieux de pouvoir » ou de « puissance » (power places) ?
Comment les sociétés coloniales ont-t-elles stratégiquement déstructuré les espaces et les visions autochtones du sacré ?
Quelle est la place des traumatismes et de la mort dans les paysages considérés comme espaces sacrés ?
Quelle est la place de la mobilité et des pèlerinages dans la production du sacré par les peuples autochtones ?
En quoi les processus de patrimonialisation d’une part et de mise en tourisme d’autre part peuvent-elles soutenir ou entraver la protection et transmission des géographies autochtones du sacré et des savoirs reliés ?
Quelle est la portée politique des visions du sacré mises en avant par les sociétés coloniales et leur stato-centrisme, et par les peuples autochtones ?
Quelles sont les approches de recherche, les épistémologies et les principes éthiques qui seraient susceptibles d’encadrer l’étude de ces questions ?
Modalités de soumission et d’évaluation
Les articles (entre 35 000 et 50 000 signes maximum, résumés et bibliographie inclus) sont à soumettre à la rédaction de la revue Géographie et cultures gc chez openedition.org et à Caroline Desbiens caroline.desbiens chez ggr.ulaval.ca) au plus tard le 28 février 2022.
Les articles seront évalués en double aveugle
Bibliographie
Arsenault, D., « Esquisse du paysage sacré algonquien : une étude contextuelle des sites rupestres du Bouclier canadien » Recherches amérindiennes au Québec 28.2 (1998) : 19-39.
Basso, K., L’Eau se mêle à la boue dans un bassin à ciel ouvert : paysage et langage chez les Apaches occidentaux (Paris : Zones Sensibles,2016 [traduction de l’anglais]).
Berkes, F., Sacred Ecology (New York : Routledge 2008).
Carmichael, D.L., J. Hubert, B. Reeves et A. Schanche éds., Sacred sites, sacred places (Londres et New York : Routledge 1994).
Chidester, D. et E. Linenthal éds., American Sacred Space (Bloomington et Indianapolis : Indiana University Press 1995).
Cuerrier, A., N.J. Turner, T.C. Gomes, A. Garibaldi et A. Downing, « Cultural Keystone Places : Conservation and Restoration in Cultural Landscapes. » Journal of Ethnobiology 35.3 (2015) : 427-448.
Eliade, M., Le sacré et le profane (Paris : Gallimard 1987).
Geertz, C., « La description dense : vers une théorie de la culture. » Tiré de The interpretation of cultures : selected essays (New York : Basic Book 1973).
Gilbert, J., « Indigenous peoples, human rights, and cultural heritage : towards a right to cultural integrity. » Dans A. Xanthaki, S. Valkonen, L. Heinämäki et P. Nuorgam, Indigenous Peoples’ Cultural Heritage : rights, debates, challenges (Leiden et Boston : Brill Nijhoff 2017) : 20-38.
Laduke, W., Recovering the sacred : the power of naming and claiming (Cambridge [MA] : South End Press 2005).
Memmott, P. et S. Long. 2002. « Place Theory and Place Maintenance in Indigenous Australia. » Urban Policy and Research 20.1 (2002) : 39-56.
Nations Unies, Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones (2007) : https://www.un.org/development/desa/indigenouspeoples/wp-content/uploads/sites/19/2018/11/UNDRIP_F_web.pdf (dernier accès 25 octobre 2021).
Reader, I., Pilgrimage : a very short introduction (Oxford : Oxford University Press 2015).
Schramm, K., « Landscapes of violence : memory and sacred space. » History and Memory 23.1 (2011) : 5-22.
Simpson, L.B., Danser sur le dos de notre tortue (Montréal : Nota Bene 2018).
Smith, L., Uses of Heritage (Londres et New York : Routledge 2006).
Swan, J.A., Sacred Places : how the living earth seeks our friendship (Santa Fe : Bear & Company 1990).
Titchen, S.M., « Changing perceptions and recognition of the environment – from cultural and natural heritage to cultural landscapes. » Dans J. Finlayson et A. Jackson-Nakano éds., Heritage and Native Title : Anthropological and Legal Perspectives (Canberra : AIATSIS Research Publications 1996) : 40-52.
Turgeon, L., L’esprit du lieu : entre le patrimoine matériel et immatériel (Québec : Presses de l’Université Laval 2009).
Page créée le jeudi 11 novembre 2021, par Webmestre.