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Appel
Date limite de soumission : mardi 1er juillet 2025
Cette manifestation est organisée par M. Michel Erpelding, directeur du groupe de recherche Max Planck nouvellement constitué « The hidden heritage of the European Union : the legacy of the law of the League of Nations », et Mme Aya Bejermi, dont les travaux de recherche au sein de ce groupe portent sur les tribunaux mixtes établis dans des contextes semi-coloniaux.
Le 1er février 1876, les Tribunaux mixtes d’Égypte ont tenu leurs premières audiences. Ces tribunaux ont fonctionné jusqu’au 14 octobre 1949, date à laquelle ils ont été supprimés pour être intégrés aux Tribunaux nationaux du pays. Créés par l’Égypte, province autonome de l’Empire ottoman, en application de traités négociés avec les quatorze puissances occidentales bénéficiant de l’extraterritorialité, les Tribunaux mixtes faisaient officiellement partie de l’ordre juridique égyptien. Cependant, en raison de leur composition majoritairement étrangère comptant jusqu’à soixante-dix juges et de leur utilisation de codes juridiques inspirés du droit français et d’origine conventionnelle, ils étaient souvent décrits comme des tribunaux internationaux, bien qu’atypiques.
Au cours de leurs soixante-treize années d’existence, les Tribunaux mixtes ont été caractérisés par une profonde ambiguïté. D’une part, ils étaient le produit d’un ordre international fondamentalement inégalitaire qui affirmait ouvertement la supériorité des États occidentaux sur le reste du monde (Nuzzo, 2012). En fournissant aux étrangers leur propre système judiciaire international et en garantissant les privilèges conventionnels de ces derniers contre l’intervention des autorités publiques, ils ont participé à la perpétuation de cet ordre, incarnant un « internationalisme impérial » (Todd, 2018) difficilement compatible avec le droit à l’autodétermination des peuples qui émergera pendant l’entre-deux-guerres. D’autre part, en offrant aux justiciables un système judiciaire efficace protégeant les droits des individus contre l’utilisation arbitraire du pouvoir étatique, les Tribunaux mixtes d’Égypte ont pu gagner parfois l’estime tant des non-Égyptiens que des Égyptiens. En développant un savoir juridique partagé, à la fois local et international, divers acteurs ont trouvé des moyens d’utiliser ces tribunaux pour servir de contrepouvoir non seulement à l’État égyptien, mais aussi aux autorités d’occupation britanniques qui avaient pris le contrôle du pays en 1882. Ce savoir juridique développé au sein et devant les tribunaux mixtes inspirera plus tard les créateurs d’autres institutions. En Égypte, ils servirent de modèle aux tribunaux indigènes (maḥākim ahliyya), créés en 1883, devenus nationaux (maḥākim waṭaniyya) en 1936. En Europe, leurs procédures inspirèrent celles de la Cour européenne des droits de l’homme.
Après avoir été quelque peu délaissés, les Tribunaux mixtes d’Égypte suscitent aujourd’hui à nouveau l’intérêt d’un plus grand nombre de chercheurs, car ils permettent d’éclairer des questions telles que l’impérialisme formel et informel, la modernisation, la nationalité, les identités hybrides et même l’intégration européenne. Cependant, de nombreux aspects de ces institutions et de leur héritage restent à découvrir. En organisant un colloque sur les Tribunaux mixtes d’Égypte exactement cent cinquante ans après la tenue de leurs premières audiences, nous souhaitons contribuer à leur réémergence en tant qu’objet d’étude dans l’histoire globale du droit.
Dans une logique interdisciplinaire, cet appel à contributions porte une attention particulière aux propositions de chercheurs en droit, en histoire ou toute autre discipline étudiant les questions suivantes :
la production et l’environnement normatifs des Tribunaux mixtes, notamment : o leurs interactions avec le droit national et les tribunaux nationaux, en Égypte ou au-delà ; o leur contribution au développement du droit international et de la justice internationale ; o leur impact sur les questions coloniale, raciale, de classe et de genre, ainsi que sur la nationalité et d’autres formes d’« appartenance juridique » (Marglin, 2021) ;
Les Tribunaux mixtes et la politique contemporaine, notamment :
la question de la « retenue » et/ou de « l’activisme » judiciaires ; o leur perception par la presse et le grand public ;
leur réception dans des régions soumises à des conditions similaires (Empire ottoman, Perse, Chine, Japon...) ;
Les Tribunaux mixtes en tant qu’espace social, notamment :
les réseaux ou les biographies individuelles des professionnels (juges, procureurs, avocats, interprètes, greffiers, experts…) impliqués dans les juridictions mixtes ;
le rôle et la sociologie des demandeurs et des plaideurs devant les juridictions mixtes.
Modalités de soumission
Les résumés de 500 mots maximum, rédigés en anglais, français ou arabe et comprenant le nom de l’auteur, son adresse électronique et un bref curriculum vitae, doivent être adressés à erpelding chez lhlt.mpg.de
avant le 1er juillet 2025.
Les candidat.e.s retenu.e.s seront informé.e.s par e-mail dès le 1er septembre 2025 et devront produire une ébauche de document avant le 31 janvier 2026.
L’événement se tiendra en présentiel et ne fera l’objet d’aucun frais de participation. Une aide financière pour les frais de déplacement et d’hébergement est disponible.
Comité de sélection
Michel Erpelding, directeur de groupe de recherche, Max Planck Institute for Legal History and Legal Theory
Aya Bejermi, chercheuse, Max Planck Institute for Legal History and Legal Theory
Bibliographie sélective
Abū al-Naṣr, Yāsir ʿUmar Amīn. Al-ḏākira al-Mafqūda li-Tārīkh Qānūn Ḥaqq al-Muʾallif al-Miṣrī : al-Fuqahāʾ Linant de Bellefonds wa Maxime Pupikofer wa Piola Caselli [La mémoire oubliée de lʾhistoire du droit dʾauteur égyptien : les savants Linant de Bellefonds, Maxime Pupikofer et Piola Caselli]. Al-Qāhira : Dār al-Nahḍa alʿarabiyya, 2014.
Brinton, Jasper Yeates. The Mixed Courts of Egypt. Rev. ed. New Haven : Yale University Press, 1968.
Brown, Nathan J. The Rule of Law in the Arab World : Courts of Egypt and the Gulf. Cambridge : Cambridge University Press, 1997.
Erpelding, Michel. ‘Colonial-Era Mixed Courts, the Compensation of Foreigners for Wrongful State Acts and the
Emergence of International Judges as Guarantors of Individual Rights’. In The Cambridge Handbook of Foreign Judges on Domestic Courts, edited by Anna Dziedzic and Simon N. M. Young, 250–67. Cambridge : Cambridge University Press, 2023.
Fusar Poli, Elisabetta. ‘Le juridictions mixtes tra Egitto ed Europa. Spunti dalle carte di Eduardo Piola Caselli’. Historia et ius - rivista di storia giuridica dell’età medievale e moderna, no. 16 (2019) : 1–42.
Hanley, Will. Identifying with Nationality : Europeans, Ottomans, and Egyptians in Alexandria. New York : Columbia University Press, 2017.
Hoyle, Mark S. W. Mixed Courts of Egypt. London ; Boston : Graham & Trotman, 1991.
Lendrevie-Tournan Isabelle. Les transferts juridiques et juridictionnels en Égypte, l’héritage des années 1875–1949. Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2008.
Marglin, Jessica M. ‘Extraterritoriality and Legal Belonging in the Nineteenth-Century Mediterranean’. Law and History Review 39, no. 4 (November 2021) : 679–706.
Nuzzo, Luigi. Origini di una scienza : diritto internazionale e colonialismo nel XIX secolo. Frankfurt am Main : Vittorio Klostermann, 2012.
Sālim Laṭīfa Muḥammad. Al-Niẓām al-Qaḍāʾī al-Miṣrī al-Ḥadīth [Le système judiciaire égyptien moderne]. Al-Qāhira :
Dār al-Shurūq, 2010.
Shlala, Elizabeth H. The Late Ottoman Empire and Egypt : Hybridity, Law, and Gender. Abingdon, Oxon ; New York, NY : Routledge, 2018. Todd, David. ‘Beneath Sovereignty : Extraterritoriality and Imperial Internationalism in Nineteenth-Century Egypt’. Law and History Review 36, no. 1 (February 2018) : 105–37.
Colloque
Jeudi 23 avril 2026 (Max Planck Institute for Legal History and Legal Theory)
Page créée le mercredi 23 avril 2025, par Webmestre.